Décidément, on voyage beaucoup avec cette excellente sélection du Prix du Livre Inter.
Après La Bretagne de Tanguy Viel, La Corse de Christian Oster, le bassin Méditerranéen dans l’oeuvre magistrale de Mathias Enard, L’Afrique de Patrick Deville, l’Amérique du Sud d’Olivier Rollin, j’achève* mon beau périple avec, soyons fous, un tour du monde, rien que ça, en compagnie de Jean Rollin, le frère d’Olivier, sur les traces des chiens féraux, de l’adjectif anglais feral qui désigne un animal domestique retourné à l’état sauvage.
A mi chemin entre un reportage éthologique et un carnet de voyage, « Un chien mort après lui » traque le chien redevenu sauvage du Turkménistan à la Russie, en passant par la Thaïlande, le Mexique, l’Egypte, le Liban, les USA, Haïti ou l’Australie où il évoque notamment les chiens Dingo et la clôture érigée par les éleveurs pour en protéger leur bétail. Jean Rolin parsème son récit de rencontres et de réflexions littéraires, évoquant notamment de grandes œuvres qui regorgent de références sur les chiens errants habituellement associés à la guerre, la pauvreté, la désolation, telles l’Iliade (encore !), le livre des Roi, Tolstoï, Melville ou Malaparte.
« Il n’y a pas de voix humaine, écrit de son côté Malaparte, qui puisse égaler celle des chiens dans l’expression de la douleur universelle. Aucune musique, pas même la plus pure, ne parvient à exprimer la douleur du monde aussi bien que la voix des chiens ».
* Cette petite astérisque pour un tout petit mensonge : J’ai, en réalité, lu ce « récit » passionnant au tout début de la sélection, ce qui m’a permis de déceler quelques citations à propos des chiens errants dans les autres romans de la sélection, tels :
Equatoria –Patrick Deville – page 34- « La vie nocturne de Lambaréné [Gabon] est des plus réduites. A cette heure-ci, les estaminets du marché comme La Joie du Peuple au Port sont depuis longtemps cadenassés, la place abandonnée aux chiens errants et nettoyeurs, qui s’arrachent des bouts d’hippos ou de crocos »
Traques – Frédérique Clémençon – page 66 – ELISABETH « Parfois, certains souvenirs vous sautent à la figure. Comme des chiens. » & page 71 – ANATOLE « …des maisons à hauteur d’enfants nichées sous les branches lourdes des frênes et des aulnes formant au dessus d’elles une seconde toiture de sorte qu’on les distinguait à peine ou qu’on les prenait quelquefois pour un talus, un animal endormi, félin ou chien sauvage, il nous arrivait d’en voir rôder près des usines, solitaires, inoffensifs, craintifs même, efflanqués, qui ne semblaient pas chercher autre chose que de la nourriture, et notre compagnie, peut être, Sofia disant ils sont comme nous, ne les chassons pas. »
Un petit bémol toutefois qui n’enlève rien à la qualité de ce livre : Pour moi, mais ce n’est que mon humble avis, « Un chien mort après lui » relève d’avantage de l’enquête (émaillée de citations littéraires et de rencontres de voyages, soit) que d’un véritable roman. Mais, après tout, qu’est ce que le roman ? Peut être en débattrons nous très bientôt (!!!!) autour de la Table Ronde ?