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18 novembre 2007 7 18 /11 /novembre /2007 11:32
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Scotchée (peut être pas le terme le plus approprié pour évoquer Les Gommes, quoique), oui scotchée, donc, par l’intrigue rondement menée de ce polar (ou non-polar, difficile en fait de mettre une étiquette à un tel roman) où se confondent victime, meurtrier, enquêteurs et témoins.

        L’intrigue (si intrigue il y a tant l’auteur gomme tous les rouages habituels du genre) met en scène un inspecteur des services spéciaux, Wallas, qui se rend dans une ville, dont le nom n’est pas cité mais proche de la Mer du Nord,

 

une ville triste, grise, entourée d’un boulevard circulaire et de son canal, les rues un peu étriquées entre de hautes maisons de briques, les édifices publics sans décorations inutiles, les églises figées, les vitrines sans fantaisie. L’ensemble est solide, cossu parfois, mais austère ; les cafés ferment tôt, les fenêtres sont étroites, les gens sont sérieux. Pourtant cette ville triste n’est pas ennuyeuse : un réseau compliqué de canaux et de bassins y ramène de la mer, à six kilomètres à peine vers le nord, l’odeur du varech, les mouettes et même quelques bateaux de faible tonnage, caboteurs, chalands, petits remorqueurs, pour qui s’ouvre toute une série de ponts et d’écluses. Cette eau, ce mouvement aèrent les esprits. Les sirènes des cargos leur arrivent du port, par-dessus l’alignement des entrepôts et des docks, et leur apportent à l’heure la marée l’espace, la tentation, la consolation du possible.

 

pour enquêter sur le meurtre d’un certain Daniel Dupont qui aurait été assassiné par une mystérieuse organisation terroriste. Le conditionnel est de mise car …le corps n’a pas été retrouvé. Notre homme même donc son enquête, se perd, tourne en rond dans une ville qu’il ne connaît pas

 

Wallas aime marcher, Dans l’air froid de cet hiver qui commence il aime marcher droit devant soi,  à travers cette ville inconnue. Il regarde, il écoute, il sent ; ce contact en renouvellement perpétuel lui procure une douce impression de continuité : il marche et il enroule au fur et à mesure la ligne ininterrompue de son propre passage, non pas une succession d’images déraisonnables et sans rapport entre elles, mais un ruban uni où chaque éléments se place aussitôt dans la trame,même les plus fortuits, même ceux qui peuvent paraître absurdes, ou menaçants, ou anachroniques, ou trompeurs ; ils viennent tous se ranger sagement l’un près de l’autre, et le tissus s’allonge, sans un trou ni un surcharge, à la vitesse régulière de son pas.

 

 

et où ses pas le ramènent invariablement au lieu où se serait déroulé le crime, un petit hôtel particulier, qui se niche au bout d’une allée de gravier, derrière une grille de fer et une haie de fusain ;

 

 élabore des scénarios qu’il gomme tout aussitôt (suicide, meurtre passionnel par un fils caché…) sous le regard jubilatoire (mais bien souvent perplexe tant l’auteur brouille les pistes) du lecteur mis dans la confidence très tôt de la vraie version des faits.

 

A la recherche d’un assassin qui lui ressemble étrangement…

 

La fin est imprévisible (enfin moi tout cas je me suis fait bernée), époustouflante !

 

Ici l’excellent billet de Thom, qui pas plus que moi ne révèle la fin…surtout pas !

 

Et pour tous ceux qui l’ont déjà lu, un billet du Lycée Montesquieu du Mans qui a établi une étude comparée entre Les gommes et …bon je n’ajoute rien, ne surtout pas lire cet article si vous n’avez pas encore lu cet incontournable et que vous envisagez de le faire, cela tuerait tout votre plaisir !

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15 novembre 2007 4 15 /11 /novembre /2007 22:39
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Petit  clin  d'oeil  pour tous ceux qui comme moi travaillent dans le ferroviaire ...

Pour les autres, juste une petite chanson pour égayer les grèves...

ll fait beau dans le métro...


Merci Suzanne de penser à tes anciens collègues ... ;-)




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12 novembre 2007 1 12 /11 /novembre /2007 22:21
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Mamée, à nouveau, premières lignes  réécrites cet été...




A VOTRE TOUR, VOUS VOUS LEVEZ. Aux frôlements des semelles sur le sol en terre cuite, à la vue qui s’obscurcit soudain d’étoffes, à l’air brassé sur votre visage. Une demi seconde en retard. C’est un mécanisme bien huilé, ouvert aux seuls initiés : savoir quand se lever, quand s’asseoir, à quel mot, quelle prière, quel silence. Vos compagnons de banc ont la même désynchronisation que vous, une demi seconde de retard. Debout, le même regard aussi. Vide, hagard, ancré sur un coffret en chêne.

 

Dehors, les premières gouttes sur le vitrail. Tambourine, tambourine, tambourine puis crépite. A la lueur d’un éclair, des ruisseaux de couleurs débordent de leurs baguettes de plomb. Dehors. Ca doit sentir bon dehors. Le mouillé sur le sec. Ca sentait pareil le premier soir avec elle, sous les chênes verts qui s’égouttaient. Avec ce même goût de la douleur dans la bouche. Sauf qu’aujourd’hui elle se niche dans votre nuque. Comme une barre.

 

Presque immédiatement, aux salves des applaudissements, ça vous avait saisi tout votre plaisir. Aucun signe avant coureur, comme à chaque fois. Pas une irruption non plus, d’une douleur nette, fulgurante. Juste un accroc. Une maille qui saute, dans le bas du dos. Et toujours à la même période, les prémisses de l’été. 21 juin, premier jour de l’été, fête de la musique. Pouviez pas mieux faire cette année. Ce n’était qu’un tiraillement, mais bientôt vous le saviez, la colonne allait se courber, de l’échine au sacrum, vous imposez son poids, vous soumettre à sa volonté de cheville du corps.

 

La douleur d’aujourd’hui, c’est presque un baume à côté. Elle vous serre la nuque comme un étau, retient vos larmes au chaud, amères, bileuses. Vous vous y vautrez, vous y complaisez, vous y endormez. Vous l’avez reconnu, c’est l’écharpe du deuil, votre écharpe que vous pensiez remisée depuis trois ans dans une vieille armoire de famille. Elle s’enroule autour de votre cou, aussi sournoise qu’alors. Qui vous réchauffe, qui vous maintient la nuque aujourd’hui, mais dont le nœud trop serré vous comprimera bientôt la glotte. Et dans ses fibres, l’odeur des deuils passés et à venir.

 

Celle de ce soir de juin vous avait anéantit, coupé dans votre élan. Votre dos venait de se verrouiller,  comme à chaque fois sans prévenir, et cette fois-ci au pire moment, à l’apogée de votre plaisir. Et tout alors, très vite, était devenu vain, insipide. Ce concert que vous veniez d’improviser, le mariage des cordes pincées, grattées et du martèlement de Patrice, l’alchimie de l’eau et du feu, les yeux brillants de Thom, les joues écarlates de Bertrand, et cette foule surtout, dense, à la fois sombre et luisante dans l’antre de Patrice, qui s’étirait en corne d’abondance jusque sous sa pergola en fer forgé. Cette foule, ce bain d’énergie qui vous avait porté, électrifié tout au long de cette étrange soirée, cette foule que vous ne pensiez plus qu’à couper pour vous en écarter, vous en isoler. Traverser la foule, la route, emmêler la douleur à l’obscurité, là bas, tout là bas, dans la masse sombre du parc. Vous avez posé votre contrebasse contre le mur de la forge, tenté de faire un signe à Bertrand, mais difficile de mimer la souffrance dans l’euphorie. Et vous vous y êtes jeté, le corps plié, la douleur qui vous cisaillait déjà les reins. Des mains moites s’abattaient sur vos épaules, vous secouaient avec effusion, accentuaient les décharges électriques le long de votre colonne. Les potes habituels, les groupies. Des inconnus aussi. Et ce journaliste du Ouest dont vous parlerait Bertrand le lendemain, un type complètement excité, aux dithyrambes alcoolisés dont vous aviez eu le plus grand mal à vous débarrasser.

 

Aujourd’hui, deux mois jour pour jour. Deux mois seulement que vous la connaissiez. Aujourd’hui, il n’y a pas de journalistes dans l’église d’Asnières. Personne ne s’est déplacé pour une pauvre vieille de plus ou de moins dans cette hécatombe caniculaire. La une sera à l’orage, tous les regards doivent être braqués vers le ciel. Vaseux, poisseux tout à l’heure tandis que vous fumiez votre dernière cigarette sur le parvis. Noir, opaque à présent, de ce que vous pouvez en voir en tout cas, depuis votre banc, déformé par le prisme du vitrail aux couleurs soudain ternes. Ce ciel qui vient enfin d’ouvrir les vannes à une eau trop longtemps contenue. Vous devriez sortir vous aussi, vous décoller de ce banc en bois, fuir la voix monocorde du curé qui fluctue à présent, un ton en dessus, un ton en dessous, au gré du cliquetis, au gré du battement de la pluie sur le vitrail, dont les cordes vocales adeptes du ronronnement menacent soudain de rompre, à trop s’étirer, de l’aigu au grave, du chaud au froid. Vous devriez sortir oui, passer devant le chat noir, vous faufiler par la lourde porte,  aller danser sur le parvis de l’église, sauter sur les bancs en pierre, vous allonger sur le sol pour entendre croustiller la terre. Ce serait la meilleure façon de lui rendre hommage, à votre aqueuse qui s’en est allée, lassée de l’attendre. La meilleure façon de lui rendre hommage, plutôt que de deviner son corps, là, à quelques mètres de vous, s’asséchant déjà dans son coffret en chêne.

 

Les chênes verts ce soir là, ceux du Jardin Public, c’était la première fois que vous les voyiez vraiment. Il vous aura fallu la nuit,  à les deviner de leurs masses sombres et mouvantes derrière vous,  pour en prendre vraiment conscience. Vous aviez réussi à vous extraire du banc humain et manqué de vous affaler sur l’asphalte mouillé quand la foule ne vous avait plus portée.  Vous vous étiez rattrapé de justesse aux grilles du parc qui s’étaient ouvertes sous le choc. Devaient pas les fermer la nuit, ça vous a surpris.  Vous vous êtes jeté sur le premier banc, un peu plus haut. Vous aviez les fesses au frais, la pluie venait enfin de s’arrêter, ça vous remontait dans le bas du dos comme un cataplasme. Le goût de douleur dans la bouche, à essayer de le faire passer à grosse goulée d’air. Acre comme la terre mouillée. Ca passait, doucement, avec le bruissement des chênes verts et la stridulation des grillons qui apaisaient vos tympans. La nuit épaisse sur vos yeux …Et les flammes de la forge en filigrane.

 

Le ciel craque plus fort derrière vous, vous vous tournez discrètement, le temps de l’apercevoir s’engouffrer rapidement par la lourde porte en chêne qu’elle repousse aussitôt derrière elle. Les grondements du ciel, estompés à nouveau, derrière, dehors, tandis qu’elle passe furtivement devant le chat noir pelotonné sur la chaise basse, en biais près de l’entrée. Qui n’a même pas frémi, ni daigné ouvrir un œil, en vieil habitué des lieux, comme une ombre de plus que ne régit aucun principe de lumière.  Elle s’assoit, discrète, deux rangs derrière vous, puis se relève soudain, réalisant. Par imitation, comme vous. Faisant bouger l’air et apporter jusqu’à vous l’odeur poignante de terre mouillée qui s’est nichée dans ses cheveux, dans les fibres de ses vêtements où perlent des gouttes de pluie.

 

Comme ce soir-là sur les vêtements, les lunettes, les billes arrondies des gamins devant les flammèches, les scoubidous de feu de Patrice.  Fallait voir les yeux des gamins. Oh, pas que des gamins d’ailleurs… C’est pas tous les jours qu’on investit une forge, surtout un soir de Fête de la musique. Ce que vous n’aviez pas prévu, c’étaient les travaux en cours sur la rocade qui entraveraient l’accès au centre ville et qui allaient faire refluer pas mal de voitures vers le terrain vague près de la piscine, en aval de la forge. Et puis surtout le coup de pouce de la météo avec l’orage et la pluie, donc, l’orage et la pluie, déjà,  qui s’abattraient au beau milieu de la soirée. Ca vous avait ramené un paquet de monde sur le retour. Et Patrice, imperturbable. Qui continuait d’égrener le temps à coup de marteau sur l’enclume, tandis que son repère n’en finissait pas d’avaler le flot des passants qui s’ébrouaient devant ses étincelles. Vous, vous trois, ça vous avait un peu affolé au début, tout ce public d’un coup. Dense, bruyant, et toutes ces gouttes, à la lumière du foyer, qui perlaient sur les vêtements, les lunettes, comme une myriade de briquets allumés un soir de grand concert. Un grand concert improvisé oui, avec trois fois rien, votre maigre répertoire de musicos débutants, votre curieuse salle de répétition, l’annexe de la forge de Patrice, votre repère caché, tout recroquevillé dans son ombre et sa lumière, dans son bruit et ses silences, découvert, assiégé soudain par une foule qui s’improvise au coude à coude, soudée, complice et vivifiée par les trombes d’eau qu’elle vient de se prendre sur le tête. Une foule mouillée, bariolée de générations mêlées,  pas fâchées de trouver un endroit au sec, un endroit au chaud, le refuge du dernier espoir dans cette fête gâchée, l’ultime saut de puce avant le parking,  avant le come back annoncé vers la télécommande, par défaut, par dépit.

 

Vous sentez  un regard qui appuie sur votre douleur,  s’y attarde, s’y installe. C’est comme un frisson qui court sur vos omoplates. A nouveau, vous tournez doucement la tête et le cueillez deux rangs derrière vous. Deux yeux qui scrutent l’obscurité croissante de l’église, qui sondent la maigre assemblée, s’égarent vers les fresques murales ocres rouges puis plongent dans les votre. Deux yeux las, éteints,  qui s’enfièvrent lorsque vous les accostez.

 

Les flammèches de Patrice, en filigrane dans la nuit épaisse du parc, dans votre solitude recherchée, provoquée, incohérente et votre dépit que vous égrenez depuis votre banc sur les rires et les cris qui saluent votre succès d’un soir, sur la foule, en bas, qui peu à peu s’éparpille et s’éloigne de la forge, sur une ombre, soudain, dans le parc, plus bas, près de la grille entrouverte. Une ombre qui sautille de flaque en flaque et qui grimpe vers votre banc. Mamée.

 

Deux mois jour pour jour, deux mois seulement. Elle entrait dans votre vie, en bottes en caoutchouc, ciré et chapeau de pluie. Petite ombre d’enfant rebelle ayant échappée à la vigilance de ses parents un soir de fête, trop heureuse de s’engouffrer par la porte entrouverte du parc. Et vous, crispé, tendu par l’effort de vous mettre debout, irrité,  déjà prêt à l’intercepter sans ménagement pour lui ordonner de faire demi tour, tombant nez à nez,  à deux pas de votre banc, luisant, à peine éclairé, avec une petite vieille toute ridée du sourire qui lui barre le visage. Les yeux écarquillés. Pas par la surprise de vous trouver là, en pleine nuit dans un parc censé être fermé. Non. Complètement absorbée par la tâche qui l’anime depuis le bas de l’allée : sauter de flaque en flaque.

 

 

Deux yeux qui s’enfièvrent lorsque vous les accostez, deux yeux qui vous troublent comme leur voix, deux jours plus tôt. Elle est venue, finalement, elle est bien venue. Deux yeux, deux rangs derrière vous. C’est tout ce qui vous reste de Mamée.

 

            Les dos s’affaissent. A votre tour, vous vous asseyez.


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11 novembre 2007 7 11 /11 /novembre /2007 00:37
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La Modification de Michel Butor est le récit, à la deuxième personne du pluriel et au présent, d’un voyage en train de nuit entre Paris et Rome dans les années 50. Le personnage principal de ce roman, Léon Delmont, directeur du bureau parisien des machines à écrire Scabelli, la quarantaine, marié et père de quatre enfants, se rend à Rome à l’insu de tous : De sa femme, Henriette, à qui il a prétexté un voyage d’affaire exceptionnel à son siège social romain, de ses employeurs et surtout de sa maîtresse romaine, Cécile, qu’il souhaite ainsi surprendre pour lui faire part de l’emploi qu’il vient de lui trouver à Paris et qui leur permettra de vivre ensemble puisqu’il vient enfin de prendre la décision de quitter sa femme et toute cette existence larvaire, crépusculaire, …cette horrible caricature d’existence.

 

            Or, au cours de cet interminable trajet, sa décision va peu à peu s’infléchir puis radicalement se modifier, puisque Léon Delmont choisira finalement, au terme de son voyage, de ne pas se rendre chez sa maîtresse, et donc de ne rien changer à sa morne existence affective.  Et c’est autour de ce long cheminement, d’une décision mûrement réfléchie à son contraire,  que Michel Butor a construit son roman, distillant à merveille, par petite touche, tout ce qui, perceptible ou bien plus souvent imperceptible, assaille à chaque instant nos pensées, fragile équilibre entre assurance et doute. (Oui, nos pensées, celle du lecteur qui s’identifie forcément au personnage principal par la grâce de ce « vous » que je chéri tant dans mes propres écrits).

 

            Le paysage, les gares qui passent, la pluie sur la vitre, les voitures qui s’enfuient, le décor métallique, tortueux (comme nos pensées, nos décisions) des voies de chemin de fer…

 

Balayant vivement de leur raie noire toute l’étendue de la vitre, se succèdent sans interruption les poteaux de ciment ou de fer ; montent, s’écartent, redescendent, reviennent, s’entrecroisent, se multiplient, se réunissent, rythmés par leur isolateurs, les fils téléphoniques semblables à une complexe portée musicale, non point chargée de notes, mais indiquant les sons et leur mariages par le simple jeu de ses lignes.

 

            Les moindres détails du wagon…À vos pieds, sur le tapis de fer chauffant, deux pépins de pomme qu’une voyageuse vient de laisser tomber en l’épluchant, puis plus loin la constellation de minuscules étoiles de papier rose ou brun qui viennent d’être découpées dans les billet, après le passage du contrôleur. Au mur, les photographies en couleurs, dont bientôt, de nuit, vous ne distinguerez plus que le reflet mais dont vous savez quels lieux touristiques elles représentent, la lumière bleue…

 

            Les autres voyageurs qui montent, descendent, partagent provisoirement en ce lieu étroit, mouvant, votre vie avant de définitivement (peut être) en disparaître. Ces autres voyageurs dont Léon Delmont s’amusent à donner un nom, imaginer leur vie façon  Régis Jauffret dans « univers, univers », un prof, une veuve et son neveu (peut être), des ouvriers italiens, un jeune couple en voyage de noce auquel Léon Delmont identifie son couple avec Henriette, forcément,  entrevoyant au-delà de leur amour naissant et manifeste les signes de son déclin.

 

            Tous ces détails et tant d’autres faisant cheminer en pensée notre personnage vers des voyages en train passés, futurs, savamment entrelacés au présent auquel, plus tard, de nuit, se mêlera le rêve.  Vers Henriette-Paris, Cécile-Rome, deux femmes, deux villes indissociables.

 

            Jusqu’à cette fin que nous tenons entre nos mains….

 

            La modification de Michel Butor est tout simplement magistrale. Dans son fond, sa forme… Dans mon parcours de lectrice, dans ma vie tout court également, moi qui suis tant fascinée par cette mémoire sensorielle, ces séquences sensorielles que j’aimerais tant être capable de coucher sur le papier, aussi mystérieusement qu’elles apparaissent en nous à tout instant de notre vie.

 

 Véritable coup de cœur, donc, dont je n’ai sûrement pas saisi la moitié du message (notamment toute la partie onirique et les nombreuses références artistiques associées à Rome) que je relirai un jour…    forcément.

 

            Autant dire qu’il me laisse, d’ici là, d’ici à cette relecture, les portes grandes ouvertes vers ce courant littéraire appelé « nouveau roman » (enfin plus si nouveau)  dont j’ignorais tout jusqu’à présent…

 

            En cours de lecture, Les gommes d’ Alain Robbe-Grillet…






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31 octobre 2007 3 31 /10 /octobre /2007 21:59
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La première fois, vous ne l’avez pas fait exprès.

 

Vous étiez tranquillement assise, bien droite sur votre siège, les yeux baissés. Oh, pas en signe d’humilité, non…Un bouquin ouvert planqué sur vos genoux. Un Saumont, pour être plus précise.

 

Ducon TM venait de vous choper. A force de vous héler, se rapprochant de vous,  s’était douté de quelque chose, forcément. Vous aviez reçue l’engueulade du siècle, que ça faisait mauvais genre d’attendre ainsi le client, que ça ternissait l’image de l’enseigne, que vous feriez mieux de prendre un chiffon pour nettoyer votre tapis, que même s’il paraissait propre (vous n’aviez rien dit mais il sait anticiper les arguments, Ducon il ne l’était pas parce qu’un tapis où passe de la bouffe à longueur de journée ne l’est jamais tout à fait. Propre. Vous aviez failli lui rétorquer que puisque le nom de l’auteur était comestible, ça ne pourrait pas tout à fait nuire à l’image de l’enseigne mais vu le regard qu’il vous avait jeté par-dessus ses lunettes d’écaille, vous aviez préféré laisser glisser. Et vous aviez planqué le Saumont sous votre caisse.

 

Le titre, vous vous êtes dit depuis qu’il était sûrement prémonitoire. Ou, pour être plus précise, inversement prémonitoire. Vous avait fait tilt dans les rayons du Culturel en face, parce que c’est vrai que les gosses, c’est pas trop votre truc non plus. Parce qu’aussi un Saumont, faut dire, c’est pratique en caisse, c’est comme des madeleines emballées individuellement : Ca s’emporte partout, ça se grignote très vite, ni vu, ni connu. Une bouchée de mots entre deux caddies.

 

Ducon venait de tourner les talons. Il était content, se frottait les mains, à peine endolories par les mailles du filet qu’il venait de resserrer. Il partait sûrement faire son rapport de flagrant délit de lecture dans le bureau de Superducon.  Vos meilleurs arguments, vous les réserviez pour lui d’ailleurs, avec l’Espace en face, c’était imparable. La meilleure passerelle pour la promotion que vous miroitiez depuis des mois : une place au chaud à la caisse du Culturel. Mais ça vous n’en sauriez jamais rien  parce qu’avec tous ces mômes qui n’en finiraient pas de se perdre au cours des jours qui allaient suivre, et toute la mauvaise publicité que ça allait porter à l’image de l’enseigne, pour le coup, Superducon, il allait avoir autre chose à faire que de venir frayer avec votre Saumont, planqué sous votre caisse.

 

Le gosse, c’est juste après que vous l’avez aperçu. Un môme. Tout petit, trois, quatre ans, tout au plus. Enfin l’âge, vous ne savez pas bien, vous n’avez jamais su donner une fourchette correcte, et d’ailleurs vous vous en foutez, parce que de toute façon quelque soit leur âge, c’est toujours vous qui vous récoltez la galère à la caisse : Ils n’ont même pas d’âge qu’ils braillent déjà dans leur coque en plastique parce qu’évidemment c’est précisément à ce moment là qu’ils se réveillent. Quand ils savent se tenir debout, c’est pour mieux piétiner les entrailles du caddy ; quand ils marchent, c’est pour mieux essayer d’en sortir, et puis finalement du jour où ils parlent,  c’est pour mieux essayer de le remplir, à coup de caprices orchestrés par les rois du marketing adeptes de la gondole de bout de caisse. Bref, une plaie, une calamité. C’est bien simple : avant, vous les préfériez chez les autres, maintenant, ce sont les autres que vous préférez. Les comme vous quoi, les ceux qu’en ont pas et qui vous les collent pas dans les pattes,  surtout. Les ceux qu’en parlent pas non plus, parce que, entre les collègues qui vous imposent les prouesses ou les conneries de leurs progénitures à longueur de codes barres qui bipent, les clients qui s’extasient devant de belles frimousses entre aperçues deux caisses plus loin ou, pire, les ceux qui blâment le laxisme des parents d’aujourd’hui, ça réduit considérablement la tranche de population épargnée par le fléau.

 

Le gosse, ce gosse là, il était tout petit mais il savait marcher puisqu’il trottinait vers vous et il savait causer puisqu’il couinait « maman » avec de la morve au nez. Ca non plus vous n’aimez pas tellement, avec toute la bouffe qui passe… Avec votre tapis tout propre surtout, et le chiffon que vous veniez tout juste de ranger, sitôt Ducon disparu. Vous auriez pu appeler la caisse centrale, vous auriez du appeler la caisse centrale. Mais vous aviez le Saumont qui frétillait sur vos genoux, un morceau coincé dans la gorge, et plus que deux pages pour le faire passer.

 

Vous vous êtes donc fier à votre instinct. De caissière. Belle alliance de rapidité et d’efficacité. Eliminant les trop jeunes, les trop vieux, ainsi que les nonchalants en arrêt depuis cinq minutes devant le rayon chocolat, il ne vous restait plus, dans votre champ de vision réduit à la périphérie de votre caisse, périphérie elle-même sérieusement grignotée par les têtes de gondoles, qu’une tâche verte émeraude fugace, qui, vous avait-elle semblé, venait de piquer un sprint affolé dans le rayon surgelé. Maigre piste, soit, mais ça se tenait. Alors, d’un geste ferme et sans ambiguïté, vous aviez pointé votre doigt en direction  de ce bout de tâche-là, accompagné d’un de vos plus minaudants « l’est là bas ta maman ». Le gosse n’avais alors pas demandé son reste et s’était sauvé vers les surgelés.

 

Sauf que cinq minutes plus tard, vous aviez vu débouler à votre caisse la femme au manteau vert, qui se dépêchait pour ne surtout  pas rompre la chaîne du froid et qu’elle avait oublié son sac isotherme dans le coffre de la voiture de son mari qui lui fait ses courses tout les jeudis midis mais qui peut pas lui prendre les surgelés parce qu’il retourne bosser après et c’est dommage. Le tout annoné tandis que la caisse centrale annonçait d’une voix langoureuse, un brin accusatrice, que « la maman du petit Mathéo, quatre ans (le compas dans l’œil pour une fois) et vêtu d’un blouson bleu, est attendu par son petit Mathéo à la caisse centrale, je répète. » Et bien sûr le petit morveux au blouson bleu ne suivait pas le manteau vert.

 

La première fois, vous ne l’avez pas fait exprès, donc. Mais comme cette fois-là, le petit morveux était finalement repassé à votre caisse, le visage niché dans les hanches de sa mère, tout penaud, tout tranquillou, les fois d’après, vous ne vous étiez pas gênée. Avec un geste ferme en direction de la première silhouette féminine en esquive au coin d’un rayon, vous les laissiez s’égarer, vous les faisiez se perdre. Au nom de votre tranquillité et de celle de vos collègues. Un peu de marche à pied, une pointe d’adrénaline, et ça les mâtait pour le passage en caisse.

 

Mais bizarrement -  et ça vous tracassait quand même-  ça arrivait de plus en plus souvent. Qu’un gosse se perde.  Et toujours à votre caisse. Presque sous vos yeux. Ca a finit par se savoir, forcément,  et ça jasait sérieux dans les rayons. De caddies en caddies, la rumeur, très vite, s’est répandue en ville : Le supermarché du coin laissait s’égarer les gamins.

 

Ce qui, fatalement,  porta un sale coup à l’image de l’enseigne, une bien mauvaise publicité dont Ducon se serait bien passé. Les mères de famille, suspicieuses,  n’amenaient plus leurs bambins et donc achetaient moins. Le magasin de bonbons de la galerie vit fondre son chiffre d’affaire en l’espace de quelques semaines seulement. Les réglisses viraient au poivre et sel, les fraises Tagada pourrissaient. Ducon était préoccupé, très préoccupé, présent, très présent. Et du coup le Saumont pourrissait sous votre caisse. Plus moyen d’en ouvrir une page à la dérobée.

 

 

Depuis longtemps déjà, vous aviez cessé votre petit jeu malsain, consciente que ça n’arrangeait pas trop vos affaires, tout ça, finalement. Aussi, quand les mômes s’échouaient à votre caisse, c’était directe la Caisse Centrale.

 

Mais le pli était pris. Les gosses, inexorablement, continuaient de disparaître, de plus en plus nombreux, de plus en plus souvent. Ce qu’il leur arrivait entre le moment où ils se perdaient et celui où ils réapparaissaient, on l’ignorait. Nul n’en su jamais rien, pas même les gosses, c’était à se demander. Les mères essayaient en vain d’interroger les plus grands, les ceux qui savent parler, argumenter, raconter par le menu détail. Rien, pas un seul souvenir, pas un seul relief ne se détachait de cet interlude mystérieux. Il y avait dans ce retour là, comme après un réveil brutal, une palette de sentiments tout en contraste : de la panique à l’indifférence. En fonction de l’âge et des caractères. Oui,  les gosses inexorablement continuaient de disparaître, mais de moins en moins longtemps, toutefois. Ils finissaient toujours par réapparaître. Et toujours à votre caisse. Ce qui très vite vous permis de vous tailler une solide réputation dans votre ville : celle de rapporteuse de gamins. Réputation légèrement ternie toutefois le jour on l’on cru identifier l’une des causes possibles du fléau : Le rayon DVD, tout au bout de  votre caisse, et la télé qui diffusait le dernier Pixar, aimantant derechef le regard des enfants, tandis que s’éloignait, indifférent, impitoyable, le caddie des parents.

 

 

Mais le mal était fait et l’enseigne bien ternie. Ducon redoutait le siège éjectable et parcourait à présent à longueur de journée les rayons de son supermarché, quasi déserté, lesté seulement par quelques vieux, bien contents d’y retrouver la tranquillité des petits commerces d’antan. Jusqu’à ce jour où son œil vitreux vous surprit en pleine conversation avec l’un d’entre eux (fallait bien s’occuper à présent que vous ne pouviez plus vous jeter sur votre Saumont),  affirmant de concert que de toute façon un supermarché, c’était franchement pas un lieu pour les gosses.

 

Il vous a fusillé du regard.

 

Mais le lundi suivant, des ouvriers investissaient le local déserté de ses bonbons. Huit jours plus tard, une halte-garderie flambant neuve s’y dressait en lieu et place. Et comme votre réputation de sauveuse vous collait décidément à la peau et que vous aviez un vieux B.A.F.A. qui traînait tout au fond de votre C.V., c’est vous qui vous y êtes collée.

             

Depuis ce jour là, vous ne lisez plus. Plus du tout. Plus le temps. Ils vous ont bien organisé un coin lecture avec coussins, bacs colorés et tout et tout…Mais, entre la pouponnière qui braille, la télé qui s’égosille et la Playstation qui soliloque de sa voix de robot, avouez, ça ne laisse pas beaucoup de place pour les mots et l’imagination.  

 

Le Saumont, z’auriez peut être du en choisir un autre finalement…. 

 

« Les voilà, quel bonheur ! »

 

 


 

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23 octobre 2007 2 23 /10 /octobre /2007 21:05
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Voili voilou... Le prix a été décerné...
Sans moi, sniff !!!


La lauréate du Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2007 est Blandine Le Callet pour son roman "Une pièce montée".

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Ce n'était pas mon choix qui allait à un petit café nostalgique mais c'est un bon choix...Le seul, tiens d'ailleurs, que j'avais lu en amont de la sélection ...
Premier roman, déjà récompensée par ailleurs....
Gaëlle
Thom ou Clarabel (entre autres) en parlent ici mieux que moi.




Je suis par ailleurs tout particulièrement heureuse du Choix des libraires qui récompense  " Loin de Chandigarth " de Tarun J Tejpal.


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J'avais longuement hésité avant de rendre ma copie mais lui avais finalement préféré Philippe Claudel (format plus petit susceptible grâce à ce Prix de toucher un plus large public ) me disant (à juste titre donc -sixième sens d'une ex-libraire ! -) que Tarun J Tejpal serait forcément défendu par les professionnels...


Petit bilan tout perso de cette expérience de jurée de près d'un an  :

* 22 livres à lire quand même

(euh, je peux vous l'avouer maintenant, je ne les ai pas tous lu en entier, certains ne sont décidémment pas ma tasse de thé)

Des petits chouchous donc  :

"Le Café de l'Excelsior" de Philippe Claudel,
- "Maîtresse" de Valérie Martin,
- "Le Siècle des chimères T1 : Les Ogres du Gange" de Philippe Cavalier. (pas lu personnellement mais lu et aimé par mon Papa qui se remet à lire à quelques mois de la retraire, quel plaisir !)
- "Horowitz et mon père" d'Alexis Salatko,
- "Le ciel t'aidera" de Sylvie Testud.
- "Loin de Chandigarh" de Tarun Tejpal.
- "Une pièce montée" de Blandine Le Callet,
- "Panique" de Jeff Abbott,
- "LABYRINTHE" de Kate MOSSE


* Un excellent suivi personnalisé du Livre de Poche

(22 livres gratuits et des cadeaux,  dont un Pochothèque à recevoir que nous devions choisir dans la liste qui suit ***)

* Un petit bémol toutefois : un manque de contact et de communication avec les autres jurés, ce que j'aurais pu palier ce soir si j'avais pu me libérer pour me rendre à la soirée qui se déroulait ici, d'autant plus (quelle rage !) que ces prix étaient remis par une passeuse d'émotion qui me réveille tout les matins  : Patricia Martin (sniff).

Un petit bémol donc, car franchement z'auriez osé faire ça vous ? : Solliciter l'avis de 250 jurés éparpillés dans toute la France et pays francophones et organiser la remise du Prix à Paris (eux ...soit ! c'est inévitable) mais un ...MARDI soir à 19h00 !!!!  Non mais franchement....


Belles découvertes toutefois...Une expérience que je conseille, donc.



Bon bah... pour rencontrer Patricia Martin, il ne me reste plus qu'à postuler une nouvelle fois au Prix du Livre Inter...Délibération un dimanche ( ah ! que ça doit être bien...) et remise du prix le lundi à la Maison Ronde...






*** Liste des Pochothèques à choisir

CONTES ET HISTOIRES        ANDERSEN-HANS CHRISTIAN

ROMANS DE COLETTE            COLETTE

MEMOIRES D OUTRE-TOMBE T01      DE CHATEAUBRIAND-F.R

FABLES DE LA FONTAINE      DE LA FONTAINE-J

MAXIMES  MEMOIRES           DE LA ROCHEFOUCAULD-E

CONTES CRUELS ET FANTASTIQUES          DE MAUPASSANT-GUY

COMEDIES CHOISIES            GOLDONI

DRAMES CONTEMPORAINS    IBSEN-HENRIK

ROMANS ET NOUVELLES       KAWABATA-Y

ATLAS DU CINEMA     LABARRERE-A

LES PHILOSOPHES DE L'ANTIQUITE AU XXE SIECLE        MERLEAU-PONTY-M

LES ESSAIS (NOUVELLE EDITION SOUS COFFRET)            MONTAIGNE

JOURNAL 1932-1939  NIN-ANAIS

ROMANS ET RECITS   PEREC-GEORGES

OEUVRES COMPLETES / ARTHUR RIMBAUD RIMBAUD-ARTHUR

ANTHOLOGIE DES MEMOIRES DE SAINT-SIMON   SAINT-SIMON

LA LEGENDE DU GRAAL          STANESCO-M

ROMANS ET NOUVELLES       WOOLF-VIRGINIA

LE GRAND LIVRE DE LA SANTE          XXX

ENCYCLOPEDIE DE LA FRANC-MACONNERIE            XXX

ENCYCLOPEDIE DE LA LITTERATURE            XXX

DICTIONNAIRE HISTORIQUE DE LA MAGIE           XXX


Eh eh... petit quizz : Quel est celui que j'ai finalement choisi ?

Et vous qu'auriez vous choisi ?

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18 octobre 2007 4 18 /10 /octobre /2007 21:47

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Eclats de lecture...



" D’un homme à la mémoire lacunaire, longtemps plombée de mensonges puis gauchie par le temps, hantée d’incertitudes, et un jour soudainement portée à incandescence, quelle histoire peut-on écrire?

Une esquisse de portrait, un récit en désordre, ponctué de blancs, de trous, scandés d’échos et à la fin s’effrangeant.

Tant pis pour le désordre, la chronologie d'une vie humaine n'est jamais aussi linéaire qu'on le croit. Quant aux blancs, aux creux, aux échos et aux franges, cela fait partie intégrante de toute écriture, car de toute mémoire
.

Les mots d'un livre ne forment pas d'avantage un bloc que les jours d'une vie humaine, aussi abondants soient ces mots et ces jours, ils desinent une archipel de phrases, de sugestions, de possibilités inépuisées sur un vaste fond de silence .

Et ce silence n'est ni pur ni paisible, une rumeur y chuchote tout bas, continûment. Une rumeur montée des confins du passé pour ce mêler à celle afluant de toutes parts du présent. Un vent de voix, une polyphonie de souffles
"

Comment font-ils, ces écrivains qui me subjuguent, pour exprimer si bien ce que je ressens ...?

 

Prix Goncourt des Lycéens 2005, superbe écriture, troublante jusque dans la construction fragmentée de ce roman, comme un écho à la quête d'identité qu'il met en scène




Ici, une très belle critique
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7 octobre 2007 7 07 /10 /octobre /2007 23:04
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                    La première fois que je l’ai rencontrée, j’avais quinze ans à peine. Ah ! Le bel âge, bien plus désinvolte qu’aujourd’hui.  Rien dans la tête, tout dans les gambettes.

 

            A l’époque, j’étais lycéenne à Nantes et logeais la semaine dans une chambre de bonne sous les toits, chez un ami de mes parents, Monsieur Victor, qui était censé me servir de chaperon. Mais sous ses airs de bourgeois distingué -  ce petit air de notable qui rassurait mes parents- je peux vous dire (il y a prescription et mes parents sont de toutes façons au courant depuis de nombreuses lurettes) que Monsieur Victor était loin, en réalité,  d’être l’homme de la situation. Courtisé (il n’y a pas d’autre terme) par la moitié de la ville, il organisait presque chaque soir des fêtes mémorables, qui bien souvent duraient jusqu’au petit matin. Comme les amis de Monsieur étaient de joyeux lurons et que (c’est bien connu !) les bruits montent, je parvenais difficilement certaines nuits à trouver le sommeil. Aussi, bien souvent, c’est en très bonne compagnie que je finissais par coucher mes plus belles insomnies.

 

            Un soir, cependant, lasse de me mêler à ces hommes de nuit, j’ai décidé de leur filer compagnie. Le soir glissait sous les toits, bleus et gris ombres de silence, quand j’ai franchi le porche de la maison de Monsieur Victor. Je me suis enfoncée  au cœur de la nuit dans les rues de Nantes, drôle d’émoi, drôle de mouvance, mais au bout de quelques heures de délicieuses errances,  je dus vite me rendre à l’évidence : j’étais perdue. Perdue à Nantes, moi pauvre petite provinciale, et ce dans un quartier fort éloigné du centre ville, complètement désert à cette heure avancée de la nuit. C’est à ce moment là, à ce moment précis qu’elle est entrée dans ma vie, pour ne plus jamais en sortir.

 

            Seule, désemparée, à la recherche du moindre indice susceptible de guider mes pas dans la nuit épaisse, j’étais en train de déchiffrer l’inscription semi effacée d’une petite plaque bleue de rue quand le son de sa voix parvint jusqu’à mes oreilles. Cela se passait Rue de la Grange au Loup, je m’en souviens…, je l’ai  gravé  dans ma mémoire. Depuis une fenêtre entr’ouverte, au numéro 25, s’échappaient des notes de musique aux ailes de papillons de nuit. Doucement, sans faire de bruit, je me suis approchée. Une femme jouait du piano, une longue dame brune, de dos. Elle jouait et elle chantait une chanson de trois fois rien. Ca faisait :

 

 Si mi la ré si mi la ré si sol do fa si mi la ré si mi la ré si sol do fa. ..

 

Les notes coulaient facile, heureuses au bout de ses doigts. Elle chantait du bout des lèvres, ses silences étaient des fleurs et son rire un pigeon qui s’envole.

 

            Elle s’est finalement retournée, sentant mon regard sur sa nuque. Elle m’a souri puis est venu m’accueillir à sa porte. Elle m’a immédiatement interrogé sur ma présence tardive dans ce quartier perdu puis elle s’est proposée aussitôt de me raccompagner à pied chez mon protecteur négligent. Tandis que nous marchions silencieuses, elle en ses rêves, moi, osant à peine respirer, intimidée par cette femme mystérieuse, tantôt légère, aérienne et tantôt grave, l’aube blême s’était levée.  Et avec elle mon courage, le courage de lui demander : cette cantate que tu chantais tout à l’heure, chante,  chante la pour moi…

 

            Alors elle se mit à chanter, à chanter juste pour moi …

 

A chanter sa joie de vivre  si mi la ré si mi la ré si sol do fa si mi la ré si mi la ré si sol do fa  mais aussi son mal de vivre, son cœur bien trop souvent égratigné…puis, tandis que nous nous approchions de la maison de mon hôte et que nous croisions ses convives par petites grappes bruyantes et éméchées qui le quittaient au petit matin,  elle improvisa une chanson sur les amis de Monsieur.

 

            Elle est finalement repartie, mutine,  au bras de l’un d’eux, me faisant un petit signe de sa longue main de pianiste tandis que je lui murmurais, tout bas, presque pour moi …Dis quand reviendras-tu ?

 

            Depuis, j’ai refait plus d’une fois mes bagages mais ses papillons de nuit furent toujours du voyage.

 

            Bien des années plus tard, je l’ai revu. Une fois, juste une fois.

 

 

            Ce fut  un soir en septembre...




            Suite à la proposition de Thom, ma petite Pierre à l'hommage qui sera bientôt rendu à Barbara à l'occasion du dizième anniversaire de sa mort, et en attendant le texte d'une autre admiratrice de La Longue Dame Brune...
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      photos : Marcel Imsand
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26 septembre 2007 3 26 /09 /septembre /2007 22:52


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Je reprends la plume ce soir pour évoquer une écriture qui m’a tout à la fois subjugué* et bouleversé*.

Subjuguée, parce que l’écriture de Lisa Bresner est tout ce que j’aime : drôle, inventive, sensuelle, percutante…

Allonger la liste de mes adjectifs ne suffirait pas à rendre compte de la grâce de son écriture. Il faudrait plutôt pouvoir user d’une image, je ne m’y risquerais pas …Goûtez plutôt les siennes :


Je sais que faire l’amour c’est toujours audacieux même si c’est par vanité la première fois. Il est important de savoir qui l’on est en cet endroit-là et de rester naturelle. Et le regard de l'homme sur une femme doit ressembler à l'averse qui se dépose au ralenti sur la vitre d'un train


Les matins où il oubliait de me nouer un foulard autour du cou, je trépignais et tapais des pieds comme la langue autour de la dent de lait sur le point de céder.


Ce percutant :
Quand il se promène avec sa main sur toi, il te prend en voyage...Ca dure...Ce n'est pas comme ces abrutis qui te fourrent leur bonbon comme une pièce dans un caddie, l'air de dire : allez roule.


Ou ce superbe …des idéogrammes (ces semences de chocolat fondu…)


Allez, un petit dernier, bien malicieux Le lendemain matin, le rideau de fer est à moitié fermé où à moitié ouvert, cela dépend de mon courage…


Subjuguée et bouleversée, car en même temps que je poussais, avec la lecture de « Pékin est mon jardin », la porte de son imaginaire, j’apprenais que l’auteur de ces mots qui me touchaient tant venait de nous quitter il y a une poignée de semaines. Elle était jeune et talentueuse, elle n’était qu’au balbutiement de sa vie, de son écriture.


Et si nous essayions, nous, lecteurs, lectrices, en la lisant, en donnant envie de la lire, de transformer ce point final en point de suspension…


Merci à Lily de m’avoir permis de découvrir ce petit bonheur ! Ici son très beau billet qui m’a fait craqué (Où y voir les liens vers le site de Lisa Brener et la présentation de sa vaste bibliographie – romans, essais, livres de jeunesse…et celui d’Eva Almassy, son amie), une seconde lecture qui ne saurait tarder pour moi (un poche en plus !) Mais je goûterais bien aussi à ses livres pour enfants chez Actes Sud Junior...








* J’ai parfois un peu de mal avec l’accord du participe passé, si quelqu’un décèle une erreur, qu’il n’hésite surtout pas à me le dire.




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20 juin 2007 3 20 /06 /juin /2007 21:24
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Comme vous avez sûrement pu le constater depuis quelques semaines, le Murmure s'essouffle...Les mots peinent à se poser sur le papier, sur l'écran. Je n'ajouterai donc que deux mots : Merci et A bientôt sur vos blogs respectifs. Sandra.
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