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M'écrire

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11 novembre 2007 7 11 /11 /novembre /2007 00:37
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La Modification de Michel Butor est le récit, à la deuxième personne du pluriel et au présent, d’un voyage en train de nuit entre Paris et Rome dans les années 50. Le personnage principal de ce roman, Léon Delmont, directeur du bureau parisien des machines à écrire Scabelli, la quarantaine, marié et père de quatre enfants, se rend à Rome à l’insu de tous : De sa femme, Henriette, à qui il a prétexté un voyage d’affaire exceptionnel à son siège social romain, de ses employeurs et surtout de sa maîtresse romaine, Cécile, qu’il souhaite ainsi surprendre pour lui faire part de l’emploi qu’il vient de lui trouver à Paris et qui leur permettra de vivre ensemble puisqu’il vient enfin de prendre la décision de quitter sa femme et toute cette existence larvaire, crépusculaire, …cette horrible caricature d’existence.

 

            Or, au cours de cet interminable trajet, sa décision va peu à peu s’infléchir puis radicalement se modifier, puisque Léon Delmont choisira finalement, au terme de son voyage, de ne pas se rendre chez sa maîtresse, et donc de ne rien changer à sa morne existence affective.  Et c’est autour de ce long cheminement, d’une décision mûrement réfléchie à son contraire,  que Michel Butor a construit son roman, distillant à merveille, par petite touche, tout ce qui, perceptible ou bien plus souvent imperceptible, assaille à chaque instant nos pensées, fragile équilibre entre assurance et doute. (Oui, nos pensées, celle du lecteur qui s’identifie forcément au personnage principal par la grâce de ce « vous » que je chéri tant dans mes propres écrits).

 

            Le paysage, les gares qui passent, la pluie sur la vitre, les voitures qui s’enfuient, le décor métallique, tortueux (comme nos pensées, nos décisions) des voies de chemin de fer…

 

Balayant vivement de leur raie noire toute l’étendue de la vitre, se succèdent sans interruption les poteaux de ciment ou de fer ; montent, s’écartent, redescendent, reviennent, s’entrecroisent, se multiplient, se réunissent, rythmés par leur isolateurs, les fils téléphoniques semblables à une complexe portée musicale, non point chargée de notes, mais indiquant les sons et leur mariages par le simple jeu de ses lignes.

 

            Les moindres détails du wagon…À vos pieds, sur le tapis de fer chauffant, deux pépins de pomme qu’une voyageuse vient de laisser tomber en l’épluchant, puis plus loin la constellation de minuscules étoiles de papier rose ou brun qui viennent d’être découpées dans les billet, après le passage du contrôleur. Au mur, les photographies en couleurs, dont bientôt, de nuit, vous ne distinguerez plus que le reflet mais dont vous savez quels lieux touristiques elles représentent, la lumière bleue…

 

            Les autres voyageurs qui montent, descendent, partagent provisoirement en ce lieu étroit, mouvant, votre vie avant de définitivement (peut être) en disparaître. Ces autres voyageurs dont Léon Delmont s’amusent à donner un nom, imaginer leur vie façon  Régis Jauffret dans « univers, univers », un prof, une veuve et son neveu (peut être), des ouvriers italiens, un jeune couple en voyage de noce auquel Léon Delmont identifie son couple avec Henriette, forcément,  entrevoyant au-delà de leur amour naissant et manifeste les signes de son déclin.

 

            Tous ces détails et tant d’autres faisant cheminer en pensée notre personnage vers des voyages en train passés, futurs, savamment entrelacés au présent auquel, plus tard, de nuit, se mêlera le rêve.  Vers Henriette-Paris, Cécile-Rome, deux femmes, deux villes indissociables.

 

            Jusqu’à cette fin que nous tenons entre nos mains….

 

            La modification de Michel Butor est tout simplement magistrale. Dans son fond, sa forme… Dans mon parcours de lectrice, dans ma vie tout court également, moi qui suis tant fascinée par cette mémoire sensorielle, ces séquences sensorielles que j’aimerais tant être capable de coucher sur le papier, aussi mystérieusement qu’elles apparaissent en nous à tout instant de notre vie.

 

 Véritable coup de cœur, donc, dont je n’ai sûrement pas saisi la moitié du message (notamment toute la partie onirique et les nombreuses références artistiques associées à Rome) que je relirai un jour…    forcément.

 

            Autant dire qu’il me laisse, d’ici là, d’ici à cette relecture, les portes grandes ouvertes vers ce courant littéraire appelé « nouveau roman » (enfin plus si nouveau)  dont j’ignorais tout jusqu’à présent…

 

            En cours de lecture, Les gommes d’ Alain Robbe-Grillet…






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