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11 décembre 2007 2 11 /12 /décembre /2007 22:00
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« Mickey-la-Torche » est une plongée drôle et cruelle dans le vif d'une sorte de Cro-Magnon d'aujourd'hui, hissé à travers des générations de déclassés. Sa vocation est d’être le gardien de ce qui est menacé de disparition. Frustré par un emploi à temps partiel de vigile dans un entrepôt, il dirige les débordements de sa passion sur la récupération des détritus de sa voisine dont il est amoureux. Cette relation invivable et sans issue le mènera au meurtre.

 

Eclats de lecture :

 

Je suis le type même de la situation, le bon profil du vigile au bon profit du patron.

 

La vigilance, je suis né au monde pour ça, une seconde nature, qui aurait dépassé la première.

Tout petit je commence un début de carrière, embauché par ma mère à 8 ans pour garder mémé tout un après –midi. Je trouvais l’affaire facile, un peu bidon, involable ma petite mémé, trop vieille, trop cassée. Et je tente le pire des diables, je l’emmène au gazon, je la pose sur un banc et je m’éloigne pas loin, à deux pas de géant, trois pas de fourmi. Face au banc j’attends tout croupi dans le buisson pour voir le genre des enleveurs. Jusqu’à la nuit j’attends et je me répète : Trop vieille, trop cassée, personne en prendra de ma petite mémé. Petite affaire et grosse bavure. Tout ankylosé, début de la nuit je m’extirpe du buisson, je lui prends la main dans la mienne chaude. Là, j’ai compris qu’elle était plus complètement là, qu’il en manquait une bonne partie, qu’on lui avait piqué son moteur. On m’avait laissé que la coquille, avec une pointe de bleu sur les lèvres. Je la caresse, je déblaie les flocons, la neige de son front, le gel grimpé sur ses lunettes et je guette la flamme éteinte derrière son œil. La flamme elle reste noire. Glacée.

C’est le froid qui m’a enlevé mémé à ses chers enfants et petits-enfants et au club de tricot reconnaissant. Moi, je veux garder la coquille à la maison, la poser dans ma chambre, tenter que l’été arrive et que le chaud rapporte ce que le froid a emmené. Moi je veux que l’âme à mémé bourgeonne au printemps. Et même si l’hiver veut rien rendre, je farcirai la carcasse avec mon âme à moi.

 (…)

Mémé dans la tombe, papa qui suit, fallait être fort, les peines confondues faisaient boule de gorges, quand j’en parle.

Quand j’en parle, ça me tait, ça me reste là, cette boule et ça trie ce que je vais dire, ça me bloque les mots qui parlent trop près du vrai des choses, ça me les bloque un bon moment, le temps qu’il faut pour faire bonne mine de rien, mais ça me reste là, ça attend dans l’arrière-gorge, que la boule elle se tasse le passage ou qu’elle gicle et débarrage les larmes en stock dans la trachée. Un jour, faut bien cracher son bouchon sur les tombes, répandre sa poche des eaux et noyer ses morts une bonne fois pour toutes.

 

Je m’arrête là, envie de tout citer comme ça….Gros, très gros coup de cœur pour cette pièce de théâtre que j’ai eu la chance de voir jouer (avec beaucoup de talent, car il en faut pour jouer ce long monologue poétique, dramatique, émouvant, décapant,  drôle…) il y a quelques semaines près de chez moi.

 

Je vais de ce pas découvrir les deux pièces suivantes du recueil et…    j’en ferai bien un petit livre voyageur, moi, de ce petit bijou…    Avis aux amateurs !


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