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M'écrire

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19 mars 2007 1 19 /03 /mars /2007 21:32



                                 










Eclat de lecture ...

" On ne sait mesurer la tranquillité, la paix joyeuse de ces jours là. On ne peut savoir que c'est du bonheur. On ne peut savoir rien que ce qui bouleverse et envahit, et tourmente sans fin.
On ignore, on passe à autre chose. On se dit qu'on verra plus tard, plus tard il sera toujours temps de s'occuper de ça, revenir là chercher ce qu'on a à y chercher si d'aventure le besoin s'en présente. On remise, on se défait, on range dans des boîtes, des albums, des sortes de dossiers, ou bien comme les apothicaires dans des flacons d'officine, du formol et par-dessus on pose des étiquettes. (...)

Il y en a dit-on qui non seulement conservent tout ça avec le plus grand soin, mais en font des inventaires, décortiquant, disséquant tout ce dont ils disposent et quand ils ont fini, déployant autrement l'image, le souvenir devant eux, comme sur une table dans un sens puis un autre l'objet de l'étude, recommencent, entreprennent de dire d'une autre manière ce qu'ils viennent de dire, des exégètes en somme, de ceux qui n'entendent pas finir. Des sortes d'entomologistes.

On n'est pas de ceux-là, et on ne sait rien de ce qu'ils savent. On ne sait que chercher les points douloureux. A petits coups, à petits pas. là où sous le carton de la boîte, du registre, s'est formée une boursouflure, un craquèlement. Une grande fatigue. Se préoccuper un temps de la boursouflure, du craquèlement, et cela fait les remettre dans l'ombre, le silence où ils demandent qu'on les remette, où s'il faut on saura les trouver."


Beaucoup d'émotion à la lecture de ce roman posthume de Michèle Desbordes. Une grande tristesse surtout, celle d'apprendre que l'auteur nous a quitté trop tôt, que son "Emprise", son seul roman autobiographique, était le premier "flacon" qu'elle débouchait, que d'autres auraient pu suivre, que la tristesse et la nuit qui s'en dégagent auraient peut être pu un jour s'adoucir par l'écriture, et adoucir la douleur de l'auteur surtout.

Tout au long de la lecture de " L'emprise", je songeais étrangement à Jean Rouaud sans pour autant comprendre ce qui me donnait cet étrange impression de dissonances et de résonances mêlés. C'est le passage cité plus haut qui m'a éclairé : Jean Rouaud est l'un des entomologistes évoqués par Michèle Desbordes. Pas ce roman- là (qui fait pourtant écho à sa façon aux précédents romans de l'auteur) mais " Les champs d'honneurs", "Un homme illustre" ...autant de souvenirs déployés sur une table, dans un sens puis dans un autre,
comme un baume pour l'auteur (et pour notre plus grand plaisir) .

On est triste car on se dit que peut être, bien que l'auteur s'en défende dans ce passage, "L'Emprise" préfigurait peut-être un ou plusieurs autres romans qui auraient déployé ses souvenirs autrement, que l'écriture de cette douleur, de cette fatigue n'en n'était qu'à ses balbutiements, qu'au delà de la beauté, elle eut pu aussi un jour être un baume.



Merci Lily...
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