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29 février 2008 5 29 /02 /février /2008 22:19
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COMME UN PRETEXTE A BOUT DE BRAS, le carnet à spirales dans l’entrebâillement de la porte de la forge le lendemain. Comme un prétexte à votre désertion de la veille, le carnet auréolé des mots de Mamée, tracés à la lumière alternative d’une lampe torche défaillante qu’elle dirigeait maladroitement sur vos genoux.

Sur vos genoux, la même lumière sur le carnet fripé, dans l’ombre puis l’éclat brouillé des éclairs à travers le prisme coloré du vitrail ;  et loin, loin  des regards hagards de vos compagnons de banc, leur euphorie ce jour là, au lendemain d’un tel succès, inopiné, inespéré, loin, si loin des mots de Mamée, à mille lieues d’en saisir leur poésie, à mille lieues de saisir la magie d’une rencontre improbable. Leur parler de Mamée, ce matin là, à quoi bon. Leur parler d’une vieille femme pétillante, de l’odeur de son rire, de ses mots en cascade, très vite, à peine assise près de vous. La veille, sur un banc en bois humide, avec le goût de la douleur dans votre bouche. Vous aviez bien essayé de leur expliquer votre escapade nocturne, de retranscrire l’alchimie d’une rencontre d’un autre âge. Mais à quoi bon. Il vous avait suffit d’évoquer son âge justement, les rides au coin de ses yeux, sitôt salués par une salve de rires ironiques, un peu gras.

Seul Patrice, le bras animé des coups portés sur l’enclume, avait planté son regard dans le vôtre. Les trois autres s’étaient esquivés, à la recherche d’un article dithyrambique, tant clamé la veille au soir par le journaliste aviné. Vous étiez restés tout deux silencieux un court instant, puis il avait posé son marteau comme un homme ôte son chapeau. Pour mieux vous écouter lui parler d’elle.

Seule là bas dans son coffret en chêne. Seul, assis tout près de vous, seul. Quand les souvenirs, trop lourds à trier du hier, du possible, du refus, du déni, s’ancrent encore dans le repli sur soi.

D’où s’extirpent les mots dits ce jour là, enrobés de maladresse, de doute. Aviez-vous rêvé cette rencontre ? Lui aviez-vous donné plus d’importance qu’elle n’en avait eu ?

Après tout…

Après tout, il ne s’agissait que d’une vieille femme un peu excentrique rencontrée la veille au soir au paroxysme de votre douleur, de votre dépit, de votre plaisir gâché. Après tout, il ne s’agissait peut être que d’un léger badinage sur la météo, de l’amour immodéré d’une vieille folle pour l’eau où elle puisait son énergie, flaque après flaque, gorgée après gorgée, gargouillant des mots emplis de poésie qui étaient venus se poser comme un baume sur votre douleur. Et puis son rire, sa candeur à vous parler des nuages, des sources, des fontaines…Simone Fontaine, la bien nommée, vous avait elle crié au petit matin, depuis les grilles du jardin public. Simone fontaine, la bien nommée, mais tout le monde m’appelle Mamée. Frêle silhouette qui disparaît dans l’aube rosissante,  et dans le creux de vos mains, sur un vieux carnet à spirale, quelques uns de ses mots recopiés de concert, à la lueur d’une lampe torche défaillante, comme un phare qui ne fait qu’effleurer la surface d’un profond océan.

D’une écriture hachée, nocturne, mouillée…

 

 Que je la touche du bout du pied, du bout du doigt, de tout mon corps, que je la goûte du bout des lèvres, du bout des dents, de toute ma langue, que je la sente jusqu ‘à l’ivresse, après l’averse sur la sécheresse, que je l’entende en clapotis, ou assourdie, au fond d’un puits, que je la vois trait d’horizon ou petits points d’exclamation, et aussi sec, je suis aqueuse.

 

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28 février 2008 4 28 /02 /février /2008 21:43
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ENCORE UN PEU et elle partait à la poubelle, avec de vieux actes notariés dépassés et passés de couleurs. Leurs feuillets craquants et jaunis se déversaient au dessus de la gueule béante du carton.  Mal rasé, en piteux état, on avait, à maintes reprises, pansé ses cicatrices. Tissage savant de papiers collants, gondolés, agglomérés les uns aux autres.

 

Les mêmes feuillets craquants et jaunis sur le prie-Dieu devant vous, un vieux livret d’église. La même odeur aussi, pas besoin de vous pencher pour la sentir, les effluves viennent jusqu’à  vous : un savant mélange de renfermé, d’encens, de froide humidité, de larmes, de sel. Pas envie de le toucher non plus, vous en connaissez trop la texture duveteuse, la poussière qui s’invite sur les mains moites.

 

Ce n’était ni la texture, ni l’odeur pourtant qui avait attiré votre attention. L’odeur, il aurait vraiment fallu avoir le nez dessus, bien dessus, les narines dilatées, pour isoler les vieilles effluves de fixateur du bain dans lequel elle avait été plongée durant toutes ces années : poussière, humidité, fumée de cheminée et surtout, mais on se demande comment elle a pu résister, l’odeur du carton. Et avec ça le nez anesthésié, toutes ces odeurs qui étaient passées en vous, entêtantes, tenaces, heureuses de sauter sur la première venue après tant d’années de réclusion sous la mansarde du grenier. 

 

Non, c’était le bruit, finalement, enfin la gourmandise, plutôt. Comme quoi, ça tient à pas grand-chose des fois, à brasser un carton mou qui pue le vieux. Vous aviez déjà écopé les neuf ou dix précédents, délicatement au début, du bout des doigts, presque feuille par feuille, pour bien vérifier que vous ne jetteriez que du vent, puis très vite à pleine brassées, fatiguée, lasse de ne rien trouver, écoeurée par la poisse qui vous collait aux doigts, pas assez nombreux pour compter, répertorier les dates qui éclaboussaient chacun de ces vieux papiers administratifs. A quoi se résume une vie… En haut à droite. Ou à gauche parfois. En gras, soulignées, en italique. Manuscrite, vieille écriture soignée, avec des pleins et des déliés, soulignée d’un trait fin, net, à la règle, vieille règle en bois. Ecriture illisible, nerveuse, de fonctionnaires irrités, indifférents. En chiffre, en lettre, indéchiffrable parfois, trop serrées, trop passées. A vous en donner la nausée. Sous la date : une adresse, la même toujours, identique année après année,  rue Emile Zola à Bordeaux, et vos souvenirs, à vous, dans cette même maison, quand les dates de plus en plus nettes, avaient l’heur de coïncider avec les vôtres, celles de votre enfance, d’une autre déjà .

 

Alors, celui-là, vous l’aviez jaugé d’un coup d’œil. Plus vieux encore, plus puant que les autres, et vous aviez décidé d’en faire l’impasse. Et puis vous aviez soif, la bouche pâteuse, et faim et vous en aviez marre surtout, de ce tri morbide, et votre mère, comme d’habitude,  qui s’était défilée à la dernière minute. Le carton bien calé sous les seins pour que tout ne dégringole pas dans l’escalier, vous aviez entendu, tout à coup, un bruit de bonbon, de papillote au chocolat. Tout au fond, sous du papier cristal, vous vous étiez retrouvée nez à nez avec votre grand-père.

 

Un vieux monsieur se tourne vers vous et vous sourit de sa bouche édentée. Un voisin, un ami, un amant éconduit ? Qu’importe. Que faites vous ici, le regard ancré sur de vieux feuillets jaunis ? Qui ne vous donneront pas la clé de ce passé volé.

 

Sous la couverture jaunie, sous le papier cristal qui crisse la faim d’un ventre vide et les vieux souvenirs de noël, comme un renvoi qui fait remonter la bile que vous aviez planqué sous une épaisse couche de souvenirs, bien au fond dans votre cuirasse, mais ça remonte toujours ces trucs de gosses…Sous le papier, un vieux cliché en noir et blanc, pas jaunie, la photo, elle, pensez, elle a pas du prendre l’air souvent avec toute la rancœur qu’elle avait contre lui, on n’imagine mal des accès de nostalgie. Une photo de groupe sur un escalier, l’hôtel Regina à Arcachon, Ville d’Hiver, noté d’une écriture soignée derrière. Tout en bas des marches, un couple de jeunes mariés. Elle, vous la reconnaissez immédiatement même si vous n’avez jamais vu de photo d’elle si jeune, c’est votre mère tout crachée, et vous aussi un peu, pouvez pas renier la lignée, une femme, belle, l’allure aristocrate, fière, radieuse, pas encore cette raideur dans le regard. A son bras, un bel homme, brun, front haut, costume sombre, large sourire qui lui barre le visage, yeux plissés par le soleil. Votre grand-père. Votre grand-père, enfin. Guère plus âgée que vous aujourd’hui. Celui dont vous tenez le front et votre goût pour la pluie, vous a-t-on dit, crié si souvent.

 

S’asseoir, se lever, vous avez horreur de ça. Vous n’avez même pas pris le temps de vous dégourdir les jambes, tout à l’heure sur le parvis déserté, cinglé de grosses gouttes d’orage.

Juste à l’heure. Interminable ce voyage, vous avez failli faire demi-tour, plus d’une fois, jusqu’à tourner en rond dans la campagne sarthoise, à deux doigts d’arriver.  Elle doit se retourner dans sa tombe si elle vous voit de là-haut. Faire autant de bornes pour l’enterrement d’une inconnue, vous décider si vite surtout, quand une heure avant le sien, vous ne saviez toujours pas si vous alliez vous y rendre.  

 

Oh c’est sûr, il y avait plus de monde qu’aujourd’hui. La haute bourgeoisie bordelaise, bien sapée, hypocrite à souhait, Eglise Saint-Louis des Chartrons. Troisième enterrement, aujourd’hui, Troisième enterrement en un peu moins de six mois. Faut vouloir quand même, faire autant de bornes par curiosité. Pour apprendre quoi ? Pas grand-chose de plus, une imposture sûrement, et sur lui, rien que vous ne sachiez déjà. Mais l’espoir, le mince espoir de le dessiner un peu plus, de les dessiner ensemble, de comprendre vous-même ce qui vous amène là.

 

Debout, vous prenez le temps de le regarder, à la dérobée. Vous savez trop les regards qui pèsent sur la nuque. Tout à l’heure, c’est comme ça qu’il vous a repéré, vous cherchiez à savoir lequel c’était parmi les trois jeunes, assis deux rangs devant vous.  Il s’est tourné vers vous, la nuque raide. Et ce trouble en vous, immédiat,  de vous reconnaître tout deux, sans mot dire, quand vous ne connaissiez de lui que sa voix. Et son regard à peine marqué par la surprise, léger sourire ou simple frémissement à la commissure des lèvres, vous ne savez déjà plus. C’est comme s’il savait que vous alliez venir, finalement, que vous feriez toute cette route pour elle, pour lui aussi, que vous vous décideriez sur un simple coup de fil, pour ce trouble partagé au téléphone, pour une inflexion de voix, une émotion. Et le partage de deux deuils rapprochés, de deux histoires entremêlées au défi de toute logique, vous le savez, vous. Mais ce besoin de vérifier, malgré tout.  

 

S’asseoir encore, vous vous revoyez vous asseoir sur le carton éventré, la photo à bout de bras, puis l’instant d’après le nez dessus, qui scrutait les moindres détails, comme si une photo, un instant T, c’est idiot vous savez, pouvait vous donner l’explication de toute une vie, agacée par la fine pellicule de papier qui revenait sans cesse recouvrir le cliché, pensez le papier quand il s’est habitué pendant des années, et vous qui n’osiez pas y faire un pli. Dans un bruit de papillote froissée, ces vacances de Noël, vous n’étiez pas vieille, où, la bouche pleine de chocolat, les doigts triturant le papier doré, vous lui aviez demandé pourquoi elle ne s’était jamais mariée avec Pierre, son compagnon. Et elle tout à coup  furieuse, furie, vous postillonnant me parle pas de mariage, j’ai déjà donné. Ton grand-père, c’était…et là c’était presque risible, toutes ces injures à son égard, on aurait dit le capitaine Haddock, vous aviez pensé. Si bien que la première fois que vous aviez entendu parler de lui, ça vous avait fait rire, à l’intérieur. Oh pas longtemps. Vous l’aviez imaginé drôle et un peu marin d’eau douce, forcément, pour être capable de déclencher autant de grossièretés dans la bouche de votre grand-mère, elle d’habitude, enfin vous pensiez si,  …distinguée, et puis c’est devenu nettement moins drôle avec le temps, la boîte de Pandore qui s’était ouverte ce jour-là, et toujours cette colère, ce mépris pour lui, sans aucune explication, ça n’en vaut pas la peine. Ces colères, ces furies répétés juste pour vous, cette persécution en huis clos puis bientôt devant votre mère, mais elle est habituée, pensez, depuis toute petite, à ce mépris du sexe masculin : son père, cet inconnu, son beau-père, négligeable, votre père, on oublie et d’ailleurs il vous oubliera très vite, et vous qui lui en voulez, bien sûr normal,  jusqu’à ce qu’un jour, finalement,  vous compreniez, tellement vous étouffez vous même sous la serre, tellement vous êtes moite et que vous avez peur de pourrir de colère renfermée comme elles, pourquoi un jour il s’est barré sans laisser d’adresse.

 

Dans un bruit de papillote froissée, mais au fond le silence, le vrai, le pur, le calme froid, et là vous ne sentez plus rien, ni la poussière, ni la transpiration, ni ce dégoût de devoir trier les affaires d’une morte, dans la maison du Parc qui réveille tant de souvenirs enfouis, dans la maison au mascaron hideux. Juste la conviction que pour une fois vous irez jusqu’au bout, jusqu’au bout de ce qui naît, là, à l’instant,  au bout de vos doigts : la décision de le retrouver pour lui remettre la photo. La photo, comme un prétexte à bout de bras.


Une précédente version  ici

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15 décembre 2007 6 15 /12 /décembre /2007 20:45
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NE T’EN VAS PAS TROP LOIN AU LARGE

 

La peur installée dans vos tripes s’imprime, éraillée, sur ses cordes vocales. La mer s’affaisse entre vos cils, une silhouette y danse en symbiose, de plus en plus petite.  Vous êtes sur le sable, il fait chaud sous vos pieds nus, il fait chaud sur votre visage, et déjà là, au fond de vous, vous vous souvenez, déjà là ce jour-là, des courants sans cesse contrariés qui s’affrontent, s’entrechoquent les uns contre les autres dans votre corps : chaud contre froid, plume contre plomb. Et s’ils ne se limitaient qu’au corps, encore…Mais ils s’infusent dans vos pensées, paralysant le moindre de vos élans. Fétus d’idées, à peines poussées, déjà broyées.

 

Une main mouillée sur votre épaule…

 

Une main mouillée sur votre épaule, une paume et ses cinq doigts, crispés, qui s’y incrustent. Un cri perçant, presque hystérique dans votre oreille…Colère d’une mère, mélange d’effroi et d’incompréhension. Puis l’étau qui se desserre, le bras qui retombe mollement, qui capitule dans votre dos. Et tout bas, comme un murmure juste pour le sable, parce qu’elle sait bien qu’il est vain de vouloir franchir l’explosion des vagues, d’en atteindre leur frémissement, qu’une paire d’oreilles, dont on ne distingue presque plus rien, a depuis longtemps fait sienne ; juste pour elle, parce que vous. Vous, elle vous confond déjà avec le sable, petite clavicule négligeable : «  Qu’est ce que je vais faire de cette gamine.. »

 

La peur installée dans vos tripes, la peur qui s’empare de votre ventre, la peur par procuration qui vous plaque au sol. Et pourtant il fait doux, vous sentez la caresse du soleil sur votre visage. Profite-en, mais profite-en bon sang, des journées comme ça. La voix derrière vous est irritée, agressive, pour un peu elle vous en ferait presque oublier la peur. Non, pas oublier, vous vous en souviendriez. Cette peur, elle vous colle, elle vous encolle au sol, et cette voix, loin d’égailler en vous la petite pincée de légèreté que la chaleur y a laissé en entrant, cette voix, elle la suspend en plein vol. Qui retombe aussitôt. Et sa poussière s’amalgame, poisseuse déjà, sur le sédiment épais que ne parviennent même plus à brasser vos courants.

 

A force de regarder le large, vous ne voyez plus rien, juste ces pensées emmêlées qui vous fossilisent au sol. Plus tard, bien plus tard, alors que la voix derrière vous s’est tue depuis bien longtemps, lasse de vous insuffler son insouciance, son inconscience, son indifférence, vous distinguez enfin la silhouette, déjà proche,  qui se laisse dériver, comme à regret, vers le sable gris souillé d’algues. Elle se met en boule, la tête vers le large et déplie ses jambes comme la vague s’écrase puis tout aussitôt l’abandonne au massage du sable en va et vient. Elle se lève, efflanquée, lumineuse, légère devant le sable imbibé de votre ombre, énorme. Et vous la haïssez pour ça. Sans aucun égard pour votre corps raidi, elle court vers vous et vous enlace. Vous voudriez la repousser de rage vers la mer. Tout en elle vous répugne. Ces algues collées, ce sel poisseux et ce sable, surtout ce sable en voile indécent sur son corps qui agace votre peau, vos nerfs à fleur de peau. Mais c’est elle qui  s’écarte de vous, brusquement,  comme un aimant à l’identique mais répulsif.

 

Une main mouillée sur votre épaule,  calme, apaisée, presque langoureuse, vous vous souvenez de la peur de ce jour là, comme vous avez eu peur de la perdre, ce jour-là et d’autres encore. Vous vous souvenez comme vous la détestiez quand elle riait de votre effroi ou pire, comme cette fois-là, quand elle l’ignorait. Et vous vous étonnez de penser à ça aujourd’hui, quelle ironie, de découvrir que le paroxysme de la peur, celle qui vous a gâché toute votre vie, votre vie si courte et déjà si longue, n’est qu’apaisement, douleur, mais apaisement, sérénité.« Douceur des choses irrévocables ».

 

Une main mouillée sur votre épaule, calme, apaisée, presque langoureuse, et vous comprenez soudain, à la recherche des battements anormalement sourds de votre cœur, tandis que le cercueil s’affaisse entre vos cils, sous le poids des fleurs, pourquoi ce jour-là elle vous a repoussé : Le rythme de vos cœurs, désaccordé, l’un empreint du clapotis de l’eau, l’autre de l’emprise de la peur. L’un qui s’égoutte, l’autre qui n’en finit pas de tambouriner.

 

Une main mouillée que vous cherchez à tâtons sur votre épaule, une main mouillée comme un révélateur de l’eau qui dormait en vous, dans les fibres du buvard épais de votre peur. Une main mouillée, que vous retenez encore un peu.

ici, une précédente version, peu de changement...


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4 décembre 2007 2 04 /12 /décembre /2007 22:26
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                VOUS VOUS ASSEYEZ sur la première marche, la poussière se soulève, vous la rabattez de la paume, des deux paumes bien à plat sur la pierre, brûlante, rugueuse. Les cloches, trop près, traversent votre ventre. Mamée, Mamée. Elles scandent son prénom. Ma Mée, Ma Mée. Le font résonner dans votre corps. Voyelle ouverte et ronde, vous expirez l’air à grosse goulée et tout ce qu’il contient d’amour comprimé, contrarié depuis des mois, et tout ce qu’il contient de refus, de déni. Voyelle fermée et longue. Vous manquez d’air. Ne se régénère plus, ne se régénérera plus.

 

            Le parvis s’est vidé peu à peu, les grappes noires bues par la bouche grande ouverte de la masse grise. Un ciel bas, variqueux pèse sur le clocher. Bientôt, vous restez seul. Ils ont refermé la lourde porte en chêne. Un dernier vibrato, Ma Mée, s’est coincé dans votre gorge. Vous déglutissez. Vous déglutissez sur les premières notes de l’orge, étouffées, derrière, dedans. Dedans, vous ne pouvez pas. Dedans, il n’y a pas assez de bancs noircis pour masquer son coffret en chêne. Vous la savez ailleurs que dans cette boîte-là, vous la voulez ailleurs que dans cette boîte-là. Vous la voulez là, en vous. Sur vous, sous vous, sous vos paumes bien à plat sur la pierre brûlante, sous vos paumes qui s’arrondissent, caresse l’air moite, puis s’assèche dans vos poings.

           

            Eliane est entrée tout à l’heure, un peu à l’écart, à la suite de la famille de Mamée. Vous avez reconnu sa mère, aussi éplorée que la première fois dans votre cabinet. Le même dédain aussi, pour la cadette, la petite…comment s’appelait–elle déjà…Pauline, oui Pauline. Pas un seul geste, pas un seul regard dans sa direction. Qui la suit comme son ombre, énorme et grise, jusque dans son regard. Vitreux. Plus aucune lumière dans ses yeux, cette lumière qui tour à tour caressait ou fusillait les courbes de Mamée, ce jour-là, dans votre cabinet. Eliane a pénétré l’ombre de l’église puis s’est retourné vers vous, étonnée sans doute que vous ne la suiviez pas. Un mouchoir dépassait de votre poche, vous vous êtes épongé le front, l’avez congédiez d’un geste sec du poignet.

 

            Sur la première marche, une grosse goutte s’écrase, s’étoile sur la poussière. Le mouillé sur le sec. La même odeur, le même parfum que ce premier jour avec elle, là-haut, dans le labyrinthe des ruelles arrondies, dans la douceur des premiers jours d’un printemps pluvieux. Enfin, la voilà.  Dans vos paumes que vous creusez pour ne pas la laisser filer, pour la porter à vos lèvres. Elle vous y a déjà devancé. Un peu salé. Son eau et votre sueur se mélangent, comme les sources qui suintaient de vos corps mélangés la première fois. Vous aviez si soif à chaque fois, si soif de son eau sous vos doigts. Vos doigts de sourciers, disait-elle. Elle en regorgeait, il suffisait d’en connaître la carte souterraine, à fleur de peau. De la cartographier, vous lui murmuriez ça tout près, dans un souffle, ça la faisait rire à chaque fois. Elle vous disait, arrête tes mots savants, tu fais fuir nos marées, tu vas me glacer.

 

            Son glacier à jamais dans son coffret en chêne, derrière, dedans. Son corps glacé, figé, dont les courbes s’érodent déjà loin de vos mains, de vos yeux, de votre bouche. Depuis deux jours. Vous avez refusé de la voir une dernière fois. Vous avez voulu conserver d’elle l’image imprimée sur vos sens, en filigrane sur vos yeux, vos doigts, pour combien de temps ;  le goût de sa peau, de sa bouche, de son sexe ; Sa voix, son rire déjà que vous n’entendez plus ; Son odeur, son parfum, le sien, le vôtre, les autres, impalpables, innommables que vous avez senti ensemble, emmagasinés dans un coin de votre mémoire sensorielle et qui un jour, un bref instant, une fraction de seconde, et déjà vous ne saurez plus, juste le plaisir et très vite la douleur. Vous avez refuser de la voir une dernière fois, mais l’imagination déborde sur vos souvenirs et vos nuits se cognent à ses lèvres bleuies, à la cascade de ses reins, pétrifiée. Puis le glacier soudain qui se fait moraine et vos mains chaque matin qui ramènent par poignées le grain fin de sa peau.

 

            Deux jours à l’attendre ou redouter son absence, définitive. Deux jours, votre corps tendu vers elle, vers ce ciel trop bleu, comme l’océan d’où. Puis au réveil ce matin, les mains pleines de son sable, vous avez vu que la nuit avait laissé place à un ciel parcheminé de blanc et de gris, comme l’écume d’où. Vous aviez su qu’elle ne tarderait pas, qu’elle avait choisi ce jour-là où elle serait portée en terre. Vous aviez su qu’elle de tarderait pas. Ou qu’il vous faudrait vivre à jamais sans elle.

 

            Et là soudain sur vos lèvres, sur votre peau sèche d’elle, à nouveau vivante, à nouveau vibrante sous votre langue agile, vous la reconnaissez. Les yeux fermés, le visage tendu vers ses caresses, sa sueur, sa salive, ses postillons. Brumisé, puis très vite fouetté, le corps chaud, moite, sous votre costume à essorer. A vous gorger d’elle, trempé jusqu’au os. Vous vous levez, titubant à en perdre l’équilibre. Et vous rattraper à la poignée de la lourde porte en chêne…

 

            Mamée…

 

            Que vous poussez doucement, l’emmenant avec vous, en vous, vers l’obscurité et le recueillement des bancs clairsemés. Vers le regard surpris, courroucé d’Eliane. Vos vêtements détrempés, votre parfum de terre mouillée comme autant de preuve de votre amour adultère. Vers les épaules massives de Pauline, voûtées, secouées de sanglots, où vous posez les mains, les deux paumes bien à plat. Comme un relais.

 

            Elle était l’eau. Elle était l’eau, vous le galet. Sur la grève, loin du ressac. Elle vous a ramassé un jour de pluie. Pourquoi ce jour-là, pourquoi vous surtout, si terne, si gris, aussi terne, aussi gris que les autres galets ?  Ses yeux se sont posés sur vous, elle vous a effleuré du bout des doigts, puis lové dans le creux de sa main.

 

            Tu es en moi, Mamée, dissous-moi, émiette-moi. Un jour, je serai sable que tu viendras lécher, aspirer, enrouler dans ta vague. Ne t’en va pas trop loin, Mamée, ne t’en va pas trop loin au large.

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12 novembre 2007 1 12 /11 /novembre /2007 22:21
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Mamée, à nouveau, premières lignes  réécrites cet été...




A VOTRE TOUR, VOUS VOUS LEVEZ. Aux frôlements des semelles sur le sol en terre cuite, à la vue qui s’obscurcit soudain d’étoffes, à l’air brassé sur votre visage. Une demi seconde en retard. C’est un mécanisme bien huilé, ouvert aux seuls initiés : savoir quand se lever, quand s’asseoir, à quel mot, quelle prière, quel silence. Vos compagnons de banc ont la même désynchronisation que vous, une demi seconde de retard. Debout, le même regard aussi. Vide, hagard, ancré sur un coffret en chêne.

 

Dehors, les premières gouttes sur le vitrail. Tambourine, tambourine, tambourine puis crépite. A la lueur d’un éclair, des ruisseaux de couleurs débordent de leurs baguettes de plomb. Dehors. Ca doit sentir bon dehors. Le mouillé sur le sec. Ca sentait pareil le premier soir avec elle, sous les chênes verts qui s’égouttaient. Avec ce même goût de la douleur dans la bouche. Sauf qu’aujourd’hui elle se niche dans votre nuque. Comme une barre.

 

Presque immédiatement, aux salves des applaudissements, ça vous avait saisi tout votre plaisir. Aucun signe avant coureur, comme à chaque fois. Pas une irruption non plus, d’une douleur nette, fulgurante. Juste un accroc. Une maille qui saute, dans le bas du dos. Et toujours à la même période, les prémisses de l’été. 21 juin, premier jour de l’été, fête de la musique. Pouviez pas mieux faire cette année. Ce n’était qu’un tiraillement, mais bientôt vous le saviez, la colonne allait se courber, de l’échine au sacrum, vous imposez son poids, vous soumettre à sa volonté de cheville du corps.

 

La douleur d’aujourd’hui, c’est presque un baume à côté. Elle vous serre la nuque comme un étau, retient vos larmes au chaud, amères, bileuses. Vous vous y vautrez, vous y complaisez, vous y endormez. Vous l’avez reconnu, c’est l’écharpe du deuil, votre écharpe que vous pensiez remisée depuis trois ans dans une vieille armoire de famille. Elle s’enroule autour de votre cou, aussi sournoise qu’alors. Qui vous réchauffe, qui vous maintient la nuque aujourd’hui, mais dont le nœud trop serré vous comprimera bientôt la glotte. Et dans ses fibres, l’odeur des deuils passés et à venir.

 

Celle de ce soir de juin vous avait anéantit, coupé dans votre élan. Votre dos venait de se verrouiller,  comme à chaque fois sans prévenir, et cette fois-ci au pire moment, à l’apogée de votre plaisir. Et tout alors, très vite, était devenu vain, insipide. Ce concert que vous veniez d’improviser, le mariage des cordes pincées, grattées et du martèlement de Patrice, l’alchimie de l’eau et du feu, les yeux brillants de Thom, les joues écarlates de Bertrand, et cette foule surtout, dense, à la fois sombre et luisante dans l’antre de Patrice, qui s’étirait en corne d’abondance jusque sous sa pergola en fer forgé. Cette foule, ce bain d’énergie qui vous avait porté, électrifié tout au long de cette étrange soirée, cette foule que vous ne pensiez plus qu’à couper pour vous en écarter, vous en isoler. Traverser la foule, la route, emmêler la douleur à l’obscurité, là bas, tout là bas, dans la masse sombre du parc. Vous avez posé votre contrebasse contre le mur de la forge, tenté de faire un signe à Bertrand, mais difficile de mimer la souffrance dans l’euphorie. Et vous vous y êtes jeté, le corps plié, la douleur qui vous cisaillait déjà les reins. Des mains moites s’abattaient sur vos épaules, vous secouaient avec effusion, accentuaient les décharges électriques le long de votre colonne. Les potes habituels, les groupies. Des inconnus aussi. Et ce journaliste du Ouest dont vous parlerait Bertrand le lendemain, un type complètement excité, aux dithyrambes alcoolisés dont vous aviez eu le plus grand mal à vous débarrasser.

 

Aujourd’hui, deux mois jour pour jour. Deux mois seulement que vous la connaissiez. Aujourd’hui, il n’y a pas de journalistes dans l’église d’Asnières. Personne ne s’est déplacé pour une pauvre vieille de plus ou de moins dans cette hécatombe caniculaire. La une sera à l’orage, tous les regards doivent être braqués vers le ciel. Vaseux, poisseux tout à l’heure tandis que vous fumiez votre dernière cigarette sur le parvis. Noir, opaque à présent, de ce que vous pouvez en voir en tout cas, depuis votre banc, déformé par le prisme du vitrail aux couleurs soudain ternes. Ce ciel qui vient enfin d’ouvrir les vannes à une eau trop longtemps contenue. Vous devriez sortir vous aussi, vous décoller de ce banc en bois, fuir la voix monocorde du curé qui fluctue à présent, un ton en dessus, un ton en dessous, au gré du cliquetis, au gré du battement de la pluie sur le vitrail, dont les cordes vocales adeptes du ronronnement menacent soudain de rompre, à trop s’étirer, de l’aigu au grave, du chaud au froid. Vous devriez sortir oui, passer devant le chat noir, vous faufiler par la lourde porte,  aller danser sur le parvis de l’église, sauter sur les bancs en pierre, vous allonger sur le sol pour entendre croustiller la terre. Ce serait la meilleure façon de lui rendre hommage, à votre aqueuse qui s’en est allée, lassée de l’attendre. La meilleure façon de lui rendre hommage, plutôt que de deviner son corps, là, à quelques mètres de vous, s’asséchant déjà dans son coffret en chêne.

 

Les chênes verts ce soir là, ceux du Jardin Public, c’était la première fois que vous les voyiez vraiment. Il vous aura fallu la nuit,  à les deviner de leurs masses sombres et mouvantes derrière vous,  pour en prendre vraiment conscience. Vous aviez réussi à vous extraire du banc humain et manqué de vous affaler sur l’asphalte mouillé quand la foule ne vous avait plus portée.  Vous vous étiez rattrapé de justesse aux grilles du parc qui s’étaient ouvertes sous le choc. Devaient pas les fermer la nuit, ça vous a surpris.  Vous vous êtes jeté sur le premier banc, un peu plus haut. Vous aviez les fesses au frais, la pluie venait enfin de s’arrêter, ça vous remontait dans le bas du dos comme un cataplasme. Le goût de douleur dans la bouche, à essayer de le faire passer à grosse goulée d’air. Acre comme la terre mouillée. Ca passait, doucement, avec le bruissement des chênes verts et la stridulation des grillons qui apaisaient vos tympans. La nuit épaisse sur vos yeux …Et les flammes de la forge en filigrane.

 

Le ciel craque plus fort derrière vous, vous vous tournez discrètement, le temps de l’apercevoir s’engouffrer rapidement par la lourde porte en chêne qu’elle repousse aussitôt derrière elle. Les grondements du ciel, estompés à nouveau, derrière, dehors, tandis qu’elle passe furtivement devant le chat noir pelotonné sur la chaise basse, en biais près de l’entrée. Qui n’a même pas frémi, ni daigné ouvrir un œil, en vieil habitué des lieux, comme une ombre de plus que ne régit aucun principe de lumière.  Elle s’assoit, discrète, deux rangs derrière vous, puis se relève soudain, réalisant. Par imitation, comme vous. Faisant bouger l’air et apporter jusqu’à vous l’odeur poignante de terre mouillée qui s’est nichée dans ses cheveux, dans les fibres de ses vêtements où perlent des gouttes de pluie.

 

Comme ce soir-là sur les vêtements, les lunettes, les billes arrondies des gamins devant les flammèches, les scoubidous de feu de Patrice.  Fallait voir les yeux des gamins. Oh, pas que des gamins d’ailleurs… C’est pas tous les jours qu’on investit une forge, surtout un soir de Fête de la musique. Ce que vous n’aviez pas prévu, c’étaient les travaux en cours sur la rocade qui entraveraient l’accès au centre ville et qui allaient faire refluer pas mal de voitures vers le terrain vague près de la piscine, en aval de la forge. Et puis surtout le coup de pouce de la météo avec l’orage et la pluie, donc, l’orage et la pluie, déjà,  qui s’abattraient au beau milieu de la soirée. Ca vous avait ramené un paquet de monde sur le retour. Et Patrice, imperturbable. Qui continuait d’égrener le temps à coup de marteau sur l’enclume, tandis que son repère n’en finissait pas d’avaler le flot des passants qui s’ébrouaient devant ses étincelles. Vous, vous trois, ça vous avait un peu affolé au début, tout ce public d’un coup. Dense, bruyant, et toutes ces gouttes, à la lumière du foyer, qui perlaient sur les vêtements, les lunettes, comme une myriade de briquets allumés un soir de grand concert. Un grand concert improvisé oui, avec trois fois rien, votre maigre répertoire de musicos débutants, votre curieuse salle de répétition, l’annexe de la forge de Patrice, votre repère caché, tout recroquevillé dans son ombre et sa lumière, dans son bruit et ses silences, découvert, assiégé soudain par une foule qui s’improvise au coude à coude, soudée, complice et vivifiée par les trombes d’eau qu’elle vient de se prendre sur le tête. Une foule mouillée, bariolée de générations mêlées,  pas fâchées de trouver un endroit au sec, un endroit au chaud, le refuge du dernier espoir dans cette fête gâchée, l’ultime saut de puce avant le parking,  avant le come back annoncé vers la télécommande, par défaut, par dépit.

 

Vous sentez  un regard qui appuie sur votre douleur,  s’y attarde, s’y installe. C’est comme un frisson qui court sur vos omoplates. A nouveau, vous tournez doucement la tête et le cueillez deux rangs derrière vous. Deux yeux qui scrutent l’obscurité croissante de l’église, qui sondent la maigre assemblée, s’égarent vers les fresques murales ocres rouges puis plongent dans les votre. Deux yeux las, éteints,  qui s’enfièvrent lorsque vous les accostez.

 

Les flammèches de Patrice, en filigrane dans la nuit épaisse du parc, dans votre solitude recherchée, provoquée, incohérente et votre dépit que vous égrenez depuis votre banc sur les rires et les cris qui saluent votre succès d’un soir, sur la foule, en bas, qui peu à peu s’éparpille et s’éloigne de la forge, sur une ombre, soudain, dans le parc, plus bas, près de la grille entrouverte. Une ombre qui sautille de flaque en flaque et qui grimpe vers votre banc. Mamée.

 

Deux mois jour pour jour, deux mois seulement. Elle entrait dans votre vie, en bottes en caoutchouc, ciré et chapeau de pluie. Petite ombre d’enfant rebelle ayant échappée à la vigilance de ses parents un soir de fête, trop heureuse de s’engouffrer par la porte entrouverte du parc. Et vous, crispé, tendu par l’effort de vous mettre debout, irrité,  déjà prêt à l’intercepter sans ménagement pour lui ordonner de faire demi tour, tombant nez à nez,  à deux pas de votre banc, luisant, à peine éclairé, avec une petite vieille toute ridée du sourire qui lui barre le visage. Les yeux écarquillés. Pas par la surprise de vous trouver là, en pleine nuit dans un parc censé être fermé. Non. Complètement absorbée par la tâche qui l’anime depuis le bas de l’allée : sauter de flaque en flaque.

 

 

Deux yeux qui s’enfièvrent lorsque vous les accostez, deux yeux qui vous troublent comme leur voix, deux jours plus tôt. Elle est venue, finalement, elle est bien venue. Deux yeux, deux rangs derrière vous. C’est tout ce qui vous reste de Mamée.

 

            Les dos s’affaissent. A votre tour, vous vous asseyez.


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