Gagner le coeur d'un artichaut

Ce soir j'ai mangé un  artichaut.

Cela faisait des années que je n'en avais pas mangé. Des souvenirs de l'enfance ont explosé sous mon palais : les feuilles qu'il faut bien retourner (sinon le diable est sur la maison !), le chapiteau que l'on grignote comme une petite souris, les petits poils si doux, si chaud et enfin le coeur comme une victoire.

Mon fils n'en n'avait jamais mangé. Réticent au début, un plat de pâtes à côté de lui, il s'est vite laissé prendre au jeu de l'artichaut.

Ce soir j'ai mangé une petite madeleine de l'enfance et j'en ai offerte une à mon fils.

Si j'ai mangé un artichaut ce soir, après tant d'années d'oubli, ce n'est pas parce qu'il m'a fait de l'oeil sur le marché samedi dernier. Non, mais plutôt parce que j'ai lu récemment La sieste assassinée de Philippe Delerm (Folio).

C'est pour ça que j'aime tant la littérature : parce qu'elle magnifie tous ces petits riens de la vie. (lire aussi Jean Rouaud, un maître en la matière)

Extrait : Un bon moment, c'est quand les feuilles s'amenuisent, deviennent en haut pointues, piquantes, il ne reste bientôt plus qu'un chapiteau, une tente d'indien mauve à la base renflée, d'un blanc cassé lubrifié. Il faut choisir le bon moment pour le saisir, le détacher, et goûter d'un seul coup tout le pourtour - ça semble une impudence, après tant de grignotage.