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M'écrire

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27 octobre 2006 5 27 /10 /octobre /2006 00:02

"je sais aussi que c'est une première pour vous, car du bonheur, de ce quelque chose qui s'apparente au bonheur, qui l'imite à s'y méprendre, vous n'avez entrevu que celui que donne un enfant, lequel est autre, ne relève pas de ce remue-ménage amoureux."



 

S’il est un écrivain pour lequel je peux conjuguer au présent la citation de Charles Juliet  L’admiration passionnée que tu portes à ces écrivains qui t’ont subjugué, parfois aidé à trouver ta voie,  c’est bien Jean Rouaud.
 
Je ne peux pourtant pas me vanter de connaître la bibliographie de cet auteur sur le bout des doigts.  Je n’ai lu à ce jour que quatre de ses romans : Les champs d’honneur (plutôt deux fois qu’une), Des hommes illustres, Le monde à peu près et l’invention de l’auteur. Mais si je n’ai pas encore tout lu de lui, c’est que je le déguste lentement, et en cela j’ai la bénédiction de l’auteur, lui qui invite son héroïne dans la préface de son nouveau roman L’imitation du bonheur  à bord de [son] train de chenilles. …Remplacer les chenilles par les mots et vous avez devant vous, virtuellement devant vous, un adepte de la phrase processionnaire du pèlerin. Pèlerin de son imaginaire, s’entend.


Et si je n’ai pas tout lu de Jean Rouaud, croyez-moi, je m’en réjouis (et certains/taines en seront peut être jaloux/se) car j’ai donc encore devant moi de belles heures de bonheur, qui me consoleront sûrement de la tristesse (et du manque ?) dans laquelle je suis plongée depuis que j’ai tourné la dernière page de L’imitation du bonheur.

 
(Depuis je l’ai souvent ouvert à nouveau, au hasard, relisant des passages complets. Je vous dis, je suis en manque)

 
Il y a près de deux semaines maintenant, j’ai rencontré Jean Rouaud à la 25ème heure du livre au Mans. J’attendais ce moment depuis longtemps, n’ayant pas encore acheté son nouveau roman, à seule fin de me le faire dédicacer ce jour là. Bien entendu, en face de lui, je n’ai su que dire (ta voix écrasée) balbutiant un pitoyable « j’aime beaucoup votre écriture »,  (en plus il fait très chaud dans ce genre d’endroit, je devais être écarlate) tandis que Jean Rouaud venait à mon secours, sourire aux lèvres, par ces quelques phrases qui valent toutes les quatrièmes de couverture (j’ai appris un jour que les quatrièmes de couverture étaient rarement de la main des écrivains, et c’est bien dommage )  « Il faudra peut être vous accrocher un tout petit peu au début, mais vous verrez à la fin, si tout va bien, vous éprouverez un grand bonheur ». (Je ne le cite pas de mémoire, je n’ai pas de mémoire ! C’était il y a à peine quinze jours, hum... désolée, mais je crois me souvenir peu ou prou de ses mots et présente d’avance mes excuses à l’auteur si par bonheur il vient un jour se balader par ici).


Et en effet, si j’ai du, un peu au début, m’accrocher à son train de chenilles, j’ai très rapidement ressenti un très grand bonheur.

 

Parce que toutes ces chenilles ne vous emportent pas simplement dans une superbe histoire d’amour sous la commune de Paris en 1871,

 

(Ce qui en soit aurait amplement suffit à mon bonheur étant tout à la fois fascinée par la poésie de Jean Rouaud et par l’histoire de la Commune, si peu abordée dans nos livres d’école, dont je n’ai appris « l’existence » que bien des années après, la fin de l’école, s’entend.)

 
(A la suite de quoi,  j’avais envisagé d’écrire un roman pour la jeunesse ayant pour toile de fond cette période méconnue de notre histoire de France. Que Jean Rouaud se rassure, je ne lui ferai pas concurrence, n’en ayant écrit que deux pages et avec un scénario si farfelu que je serais bien en mal aujourd’hui d’en retrouver les grandes lignes)

 
mais également dans de nombreuses digressions de l’auteur, très déroutantes les quelques premières pages du livre, Jean Rouaud entrecoupant son récit de parenthèses décalées en plein milieu d’une phrase. Mais je vous assure que très rapidement on en vient à les attendre avec impatience, ces parenthèses savoureuses de l’auteur.

Amateurs de récit linéaire, ne passez pas votre chemin et « accrochez-vous » car si, tout comme moi, vous n’êtes pas habitués à la lecture de romans déstructurés, je vous assure que vous ne pourrez bientôt plus le lâcher. (Et pourtant il le faut : 579 pages, quand même !)
 

Pour vous donner une petite idée (mais le pourrais-je avec mes pauvres mots ?) de ce roman-poupées gigognes, sans en dévoiler l’intrigue, sachez que vous croiserez un narrateur (Jean Rouaud lui-même) qui vouvoie son héroïne, en tombe éperdument amoureux à tel point d’envier la place de son héros dans la diligence, (savoureuses parenthèses sur notre perception de la diligence, d'ailleurs) lui fait faire des sauts virtuels par-dessus le vingtième siècle pour lui évoquer ses propres livres et les technologies à venir qui donneront le coup de grâce au roman tel qu’elle le conçoit encore, la croque par tous les moyens, plume, caméra, appareil photos…Au détour des pages, on croise Zola en inspecteur de la littérature scientifique,  (pas un grand copain de l’auteur celui-là), l’ami Pierrot et son jeune frère le petit Robert qui éclaire [nt] notre lanterne sur la schlitte, Buffalo Bill, Humphrey Bogart et Katharine Hepburn, un jeune poète de Charleville, Proust sans sa moustache dans le ventre de sa mère, ses madeleines mises à mal par l’inspecteur cité plus haut, et tant d’autres dont bien sûr les belles âmes de la Commune : Varlin l’Admirable, Vallès, Allemane, Lissagaray, Courbet,…

Bref, on jubile devant la construction de ce roman insolite et libre, on s’identifie, on apprend, on tremble de colère ou d’amour (Comment la Vie s’y prenait-elle pour enchaîner en l’espace de quelques jours la barbarie la plus grande et la plus exquise douceur ?) et on ri aussi beaucoup (Ah, l’humour de Jean Rouaud, la phrase qui fait mouche, sûrement ce que j’aime le plus chez lui). 

Je pourrais en parler des heures, j’aurais volontiers signé pour 200 ou 300 pages de plus, bref vous devinerez que j’ai adoré L’imitation du bonheur que je vous encourage vivement à aller acheter chez votre libraire, parce que, non désolée, je ne prêterai pas mon exemplaire dédicacé !

 
(Je confirme que l’écriture de Jean Rouaud s’apparente à celle des médecins, ainsi que me l’a fait remarquer ma petite compagne, Elise, lors de la 25ème heure, et ainsi que le reconnaît l’auteur lui-même «  J’écris mal, on m’en fait souvent le reproche que je partage sans doute avec le corps médical puisqu’une ordonnance est paraît-il plus facile à déchiffrer que mes mots manuscrits. ». Non non, n'insistez-pas, je ne prête pas ma preuve.)

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commentaires

P
En effet Rouaud est un écrivain qui subjugue... ! A bientôt, en tout cas cette Imitation du bonheur (imiter ça signifie copier, dupliquer, c'est-à-dire plus, encore plus de bonheur !) m'attend...
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S
Je te souhaite tout plein de bonheur pour cette lecture, Pitou...Oui Jean Rouaud est un écrivain inclassable ...Moi qui malheureusement n'a pas toujours la mémoire de mes lectures passée, je conserve un souvenir très fort de chacune de mes lectures de jean Rouaud. Il me touche au delà des mots...
S
Quelle chance de ne pas encore connaître l'univers de Jean Rouaud...Allez, j'attends des "impressions" de lecture Lily...Commence peut être par les "Champs d'honneur"...
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L
Et bien je ne connais pas Jean Rouaud mais ton billet me donne une envie folle de le lire !!<br /> Promis, je vais tenter l'aventure ! <br /> Merci Merci Sandra !<br /> PS, Je n'ai pas souvent eu l'occasion de demander une dédicace, mais c'est vrai qu'à chque fois ce fut un grand moment d'émotion et de bonheur ! <br /> Ah non non, surtout celui-là ne le prête pas !
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