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28 février 2007 3 28 /02 /février /2007 00:19

 

Ton corps sera cette chose grise et ratatinée tout au fond de ce coffret en bois, la peau sur les os. Pour combien de temps encore. Ton regard, éteint sous tes paupières, tes lèvres, vidées de couleurs, ta mâchoire affaissée, tes joues creusées, aspirées.

 

Ou plus sûrement une masse flasque et informe moulée dans un coffre de bois grisâtre, comme ceux des maçons,  culottés de ciment, à ras bord, débordant, généreux. Car qui se paiera le luxe de t’offrir un écrin en chêne comme celui-là ?

 

Tu l’envierais presque sur son capiton moiré, la tête bien calée par un petit coussin rembourré.  Ferait bien sur ton canapé, pour surélever tes gros poteaux de chair, en fin de journée. Te ferait presque sourire, sous ton masque de circonstance.

 

Son immobilité réveille en toi un vieux souvenir gorgé d’effroi que le relâchement de ton corps, enfin libéré de sa gangue de peur, élève à la surface de tes pensées. Un souvenir ou un cauchemar, il y a longtemps que tu ne sais plus distinguer l’un de l’autre.

 

Une maison de ciment fouettée par les vents et les embruns.  A l’une de ses extrémités, une tour carrée surmontée d’une terrasse. Et sur cette terrasse, un jeu d’enfant : métallique,  tortueux, emmêlé comme un tas de trombones que l’océan, tout proche, derrière les dunes, aurait laissé tomber là, un jour de tempête, de sa poigne d’acier liquide. Puis que le vent aurait durci et poli au fil des ans. Dans cet enchevêtrement gris,  ton corps souple d’enfant et le sien font des vagues, s’agrippent l’un à l’autre, renversent le monde, s’enivrent de goulées d’air, de flux et de reflux. Les varices du ciel tanguent au-dessus de toi, ton sang cogne dans tes tempes. Soudain, elle se laisse tomber dans un coffret en bois, dessous l’amas de tiges d’acier. Le coffret est tapissé de sable humide où son corps s’incruste, immobile.

 

Un souvenir ou un cauchemar, il y a longtemps que tu ne sais plus qui sursaute soudain : son corps ou le tien tandis qu’une vague glacée s’abat sur toi puis se retire très loin, te laissant ruisselante sur le rivage.

 

Tu sais aujourd’hui que la vague s’en est allée lécher d’autres grèves, vos deux corps sont apaisés. Il fallait sans doute que la vie quitte l’un pour que la peur quitte l’autre, que le jeu s’achève un jour, d’une manière ou d’une autre.

 

Ce petit jeu sans conséquence pour l’un, trop longtemps sans conséquence…Sous tes larmes d’apparat, aujourd’hui, tu en savoures les conséquences…

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