À quelques mois d'intervalle, la vie m'a rendu témoin des deux événements qui me font le plus peur au monde : la mort d'un enfant pour ses parents, celle d'une jeune femme pour ses enfants et son mari.
Quelqu'un m'a dit alors : tu es écrivain, pourquoi n'écris-tu pas notre histoire? C'était une commande, je l'ai acceptée. C'est ainsi que je me suis retrouvé à raconter l'amitié entre un homme et une femme, tous deux rescapés d'un cancer, tous deux boiteux et tous deux juges, qui s'occupaient d'affaires de surendettement au tribunal d'instance de Vienne (Isère). Il est question dans ce livre de vie et de mort, de maladie, d'extrême pauvreté, de justice et surtout d'amour. Tout y est vrai
D'autres vies que la mienne...Quel joli titre dont on comprend mieux la poésie, la justesse après lecture
ou comment un auteur perpétuellement insatisfait
Moi qui vit dans l'insatisfaction, la tension perpétuelle, qui cours après des rêves de gloire et saccage mes amours parce je me figure toujours qu’ailleurs, un jour plus tard, je trouverai mieux
à croisé, à quelques mois d'intervalle des êtres marqués par le deuil et la maladie, mais dont la puissance de l'amour et une certaine sagesse de la vie l'ont à jamais transformé.
Ce roman s’articule autour de deux drames : La mort d’une petite fille de 4 ans, Juliette, emportée par la terrible vague meurtrière du Tsunami en décembre 2004 alors que l’auteur, sa compagne Hélène et leurs deux enfants respectifs s’y trouvaient en vacances, et celle d’une autre Juliette, sœur d’Hélène, et mère de trois enfants, qui meurt d’une récidive de cancer dans le cours de l’année 2005.
Ces autres vies, ce sont celles de Philippe, Jérôme et Delphine, grand père et parents endeuillés de la petite Juliette dans un drame qui les dépasse mais qui souligne leur amour, leur unité et leur humanité surtout ; Ce sont celles de Patrice, mari de Juliette, d’Emilie, Clara et Diane, leurs trois filles. Mais aussi celle d’Etienne, ami et collègue de Juliette, qui partageait avec elle un handicap physique lié au cancer - une jambe amputée pour lui et inerte pour elle – ainsi qu’une même passion pour la magistrature qui les avait réuni à Vienne pour défendre les victimes du surendettement. (Passage- presque une enquête journalistique- très intéressant d’ailleurs concernant le surendettement, que je ne percevrai sûrement plus jamais de la même façon à présent)
Au-delà de la mort bien sûr, car quoi de plus terrible que la mort d’un enfant et celle d’une maman, c’est surtout un message d’amour, de sagesse, d’humanité et de justice que ces autres vies apportent à l’auteur, l’éloignant peu à peu de ses démons, lui redonnant confiance en la vie, en la simplicité, en l’amour surtout.
Ce très beau passage qui peut résumer tout le livre :
Chaque jour depuis six mois, volontairement, j’ai passé quelques heures devant l’ordinateur à écrire sur ce qui me fait le plus peur au monde : la mort d’un enfant pour ses parents, celle d’une jeune femme pour ses enfants et son mari. La vie m’a fait témoin de ces deux malheurs, coup sur coup, et chargé, c’est du moins ainsi que je l’ai compris, d’en rendre compte. Elle me les a épargnés, je prie pour qu’elle continue. J’ai quelquefois entendu dire que le bonheur s’appréciait rétrospectivement. On pense : je ne m’en rendais pas compte mais, alors, j’étais heureux. Cela ne vaut pas pour moi. J’ai longtemps été malheureux, et très conscient de l’être ; j’aime aujourd’hui ce qui est mon lot, je n’y ai pas grand mérite tant il est aimable, et ma philosophie tient tout entière dans le mot qu’aurait, le soir du sacre, murmuré Madame Letizia, la mère de Napoléon : « Pourvou que ça dure ».
Ah, et puis : je préfère ce qui me rapproche des autres hommes à ce qui m’en distingue. Cela aussi est nouveau.
Une bien meilleure analyse que la mienne par ici